Dans une époque marquée par un certain cynisme quant à l’intérêt des jeunes pour la politique, une initiative se distingue par son énergie, son authenticité et son ambition : le Jeune Conseil de Montréal (JCM). Depuis plus de 37 ans, cette simulation parlementaire municipale rassemble chaque année des jeunes Montréalais âgés de 18 à 30 ans pour débattre des grands enjeux de leur ville concernant la jeunesse et façonner la politique locale de demain. La 37e édition, qui s’est tenue du 24 au 26 janvier dernier a réuni une nouvelle fois des participants au cœur de l’Hôtel de Ville de Montréal pour une expérience à la fois immersive et transformatrice.
Donner une voix à la jeunesse
Fondé en 1987 par un groupe de jeunes inspirés par le Parlement jeunesse du Québec, le JCM s’est imposé comme une plateforme sans égale pour les jeunes souhaitant comprendre et participer aux processus décisionnels municipaux. Une particularité majeure distingue cette simulation : son caractère non-partisan. Contrairement aux véritables débats politiques, les participants du JCM ne sont pas tenus de suivre une ligne de parti. Cela signifie qu’un membre de l’administration peut s’opposer à un projet, ou qu’un opposant peut librement soutenir une idée qu’il juge pertinente. Comme le souligne Victor Fahey, président du comité exécutif, « cette non-partisanerie fait toute la richesse de cette simulation, car elle libère les débats et favorise une réflexion sincère sur les enjeux municipaux ».
Les thématiques abordées lors de la simulation gravitent autour des enjeux majeurs touchant la jeunesse. Cette année, quatre projets de règlement ont été débattus : le renforcement de la démocratie participative interculturelle, la promotion du tourisme, la lutte contre la solitude et l’individualisme et le développement de l’Est de Montréal. Chacun d’entre eux sont au cœur de la simulation et sont le fruit d’une réflexion minutieuse. Faravena Olivier, porteuse du projet sur la démocratie participative interculturelle, place au cœur de son projet l’inclusion, l’implication et l’intégration. L’objectif est de donner une voix aux citoyens en intégration et, à terme, leur permettre de voter aux élections municipales. « C’est une réflexion sur la façon dont nos institutions peuvent être plus inclusives et accessibles à tous, peu importe leur statut », affirme-t-elle.
Le JCM, ce n’est pas seulement une fin de semaine de débats, mais plusieurs mois de préparation et de réflexion intensive pour concevoir les meilleurs projets de règlement capables d’alimenter des échanges riches et passionnés. Initialement, chaque porteuse de projet propose plusieurs idées. Cependant, lors d’une retraite dans un chalet organisé par le JCM, elles confrontent leurs visions, échangent avec les autres, et sélectionnent finalement le projet qu’elles défendront durant la simulation. Chaque projet de règlement occupe une demi-journée de débat, et avec quatre propositions au programme, ces discussions structurent l’essentiel de la simulation, réparties sur le samedi et le dimanche. Les critiques de projets jouent un rôle essentiel en soulignant les failles potentielles des propositions, tandis que les porteuses de projet doivent défendre leurs idées avec conviction.
La jeunesse au service de la politique locale
« C’est un événement fait par les jeunes, pour les jeunes », explique Victor. Cette philosophie se reflète dans les enjeux abordés mais aussi dans la progression des participants. Les nouveaux participants commencent souvent par des rôles d’observation avant de gravir les échelons jusqu’aux postes à forte responsabilité, comme celui de porteuse de projet ou de mairesse. Marie Cosquer, mairesse de cette 37e édition, est l’exemple de ce système voulu « progressif ». Après cinq participations, elle incarne aujourd’hui le rôle le plus prestigieux de cette simulation : coordonnatrice de nombreux aspects de l’événement en plus de sa fonction de mairesse durant la simulation.
Bien que le JCM n’ait pas la prétention d’influencer directement la politique municipale montréalaise, il joue un rôle important dans la sensibilisation des élus aux enjeux de la jeunesse. Les projets de règlement débattus lors de la simulation sont par la suite présentés à un véritable conseil municipal, permettant ainsi aux idées des jeunes de nourrir les réflexions politiques sur les sujets traités. De plus, certains élus assistent directement à des débats pendant la simulation, témoignant de l’intérêt que suscite l’événement.
Le JCM se distingue par son ambiance unique, à la fois professionnelle et conviviale. Les débats se déroulent dans l’enceinte même de l’Hôtel de Ville, donnant aux participants une expérience immersive incomparable. Les débats intenses sont ponctués de moments plus légers. Faravena évoque les entrées dansées et en musique des partis avant de prendre place dans la salle du conseil municipal chaque matin ou encore certains discours de présentation du vendredi soir, parfois décalés et empreints d’humour.
Un antidote au cynisme
Mais au-delà des débats et des moments de complicité, le JCM représente avant tout une expérience transformatrice pour ses participants. Faravena résume son expérience en un mot : « croissance ». Elle explique : « le JCM est une opportunité de grandir, pas seulement dans les capacités d’expression, de réflexion et d’analyse critique, mais aussi sur le plan interpersonnel et relationnel. » Marie Cosquer abonde dans ce sens : « L’expérience est un antidote au cynisme envers les jeunes et la politique. » Pour les jeunes Montréalais, le JCM incarne une opportunité de développement personnel et de partage de ses idées, le tout dans une ambiance conviviale et encadrée par la ville, laissant des souvenirs impérissables.