Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de la troisième édition de son projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 : Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques au sein de la section Bien-être. Les textes ont en commun d’explorer les thèmes de la santé physique et mentale, ainsi que ce qui influence leur quotidien en tant qu’étudiant·e·s à McGill. Ces textes, préalablement révisés dans un contexte de cours par la professeure Élisabeth Veilleux, ont par la suite été sélectionnés pour être publiés dans Le Délit. Nous vous présentons notre sélection des deux chroniques qui nous ont le plus marqué.
Une page par jour
Les bénéfices d’écrire dans un journal intime en tant qu’étudiant·e·s
Jade Thomas, Contributrice
Vous rappelez-vous de ce que vous avez fait le 1er janvier 2020 ? Pour beaucoup, ce jour marquait le début d’une nouvelle décennie. Mais, pour moi, il signifiait encore plus. En effet, ce fut le jour où j’ai écrit la première page de mon journal intime. Je voulais ancrer l’occasion spéciale du commencement des années 2020, alors je me suis emparée d’un stylo pour noter ce que j’ai fait ce 1er janvier. Je me disais qu’une ou plusieurs années plus tard je pourrais ainsi relire la page et me rappeler ce point important de mon adolescence. Aujourd’hui, j’ai 12 journaux remplis, soit plus de 2 000 pages couvertes de mes pensées et aventures ! Curieusement, au fil du temps, mon objectif d’écriture a évolué d’une simple description de ma journée à une réelle réflexion. Mon journal est devenu une manière de me libérer à la fin de chaque longue journée.
L’idée d’écrire dans un journal intime évoque souvent le stéréotype d’une petite fille rêvant de son amoureux. Pourtant, en tant qu’être humain, chacun·e est capable de ressentir des émotions fortes et puissantes. Nous portons indéniablement des pensées plus lourdes et compliquées que toute autre espèce. Ainsi, avoir un endroit sécurisé pour déposer ce poids est indispensable et, selon James Pennebacker – chercheur et psychologue renommé – la page blanche d’un journal intime est un lieu parfait pour démêler nos sentiments.
À l’instar du psychologue Daryl Bem, je suis d’avis que nous en apprenons beaucoup sur nous-mêmes en observant nos propres actions, émotions et décisions. Cet apprentissage contribue à un gain de connaissance de soi-même qui peut affecter profondément notre vie. Connaître ses valeurs personnelles mène à être plus efficace au travail, dans les relations interpersonnelles et dans les projets créatifs. Ainsi, en comprenant mieux nos procédés cognitifs, nous devenons plus investi·e·s, de manière positive et constructive, dans notre vie quotidienne.
En tant qu’étudiante, prendre un peu de temps chaque jour pour noter mes expériences et pensées m’aide surtout à gérer mon stress. Pendant la semaine, le travail s’accumule et, comme vous tous·tes, je sens de temps en temps qu’un devoir est impossible à compléter. Or, dès que je remplis une autre page dans mon journal, j’ai une impression de contrôle et une nouvelle perspective sur ce qui se passe dans ma vie. D’ailleurs, cette impression n’existe pas seulement dans ma tête. En effet, d’après le psychologue David Lieberman, l’activité dans notre complexe amygdalien (région de notre cerveau associée aux sentiments comme la peur et l’inquiétude) se calme lorsqu’on écrit dans un journal. Si nous ne prenons pas le temps de reconnaître notre stress et nos sentiments troublants, ils risquent de sortir par la porte et de revenir par la fenêtre !
Pour conclure, tenir un journal comme étudiant·e est un acte simple pour chacun, mais s’avère extrêmement puissant. À travers les mots écrits, on démêle nos sentiments, on apprend à mieux se connaître, on gère notre stress et, en somme, on garde une trace de notre développement personnel. Alors, qu’attendez-vous pour vous jeter à l’encre ? Allez chercher un stylo et du papier et voyez ce que vous pouvez apprendre sur vous-mêmes !

Une soirée ciné : À vivre une fois par semaine
Charlotte Livingston, Contributrice
Cela fait maintenant un an que je dédie mes mardis soirs aux sorties cinéma. L’idée d’aller regarder un film sur grand écran n’est pas révolutionnaire. Nous avons toutes et tous déjà passé des soirées au cinéma. Peut-être entre amis pour profiter d’un programme double de Barbenheimer ou lors d’un premier rendez-vous en allant voir Challengers. Depuis mon arrivée à McGill, j’ai vu plus de 30 films. Plusieurs m’ont impressionnée, certains m’ont émue aux larmes, d’autres m’ont déçue. Pourtant, ce n’est pas (juste) parce que je suis cinéphile que j’y vais autant. Pour moi, ces soirées sont devenues plus que de simples moments de divertissement : elles sont devenues une manière de stabiliser ma santé mentale en m’offrant un moyen de déstresser et de faire partie d’une communauté.
En octobre dernier, alors que je venais de commencer ma deu-xième année à McGill, j’ai vécu une période de stress intense. Je naviguais à travers de multiples sources d’angoisses : les notes, les amitiés et mon avenir en général. À l’époque, je me suis retrouvée complètement bloquée par ce stress quotidien. Je ne suis néanmoins pas la seule à vivre de telles périodes : selon une étude réalisée par l’Université de Sherbrooke, environ 40% des étudiants universitaires ont des sentiments d’angoisse et de solitude plus élevés qu’avant d’arriver à université. De plus, cette statistique augmente chaque année.
Un jour, après avoir appris que les billets ne coûtaient que 8$ le mardi, une amie m’a proposé d’aller regarder le film Past Lives au Cinéma du Parc. Je me souviens à quel point le film m’avait captivée et la sensation d’être apaisée que j’ai éprouvé après la séance. Je me suis sentie libérée du stress et de l’anxiété de ma journée.
La semaine suivante, j’ai donc proposé à mon amie d’y retourner. C’est ainsi qu’aller au cinéma est devenu une nouvelle habitude. Durant les mois suivants, on a découvert une nouvelle communauté : celle des habitués du Cinéma du Parc. Pendant l’entracte de The Brutalist, réalisé par Brady Corbet, on a par exemple rencontré des étudiants de l’Université de Montréal, avec qui on a pu sympathiser et discuter du film. C’est avec eux que j’ai pu, la semaine suivante, débattre du film Queer sur le chemin du retour du cinéma. Ainsi, c’est à travers ces courtes – mais passionnantes – discussions inspirées par les films, que j’ai ressenti ce sentiment de communauté, et que nous en sommes devenues des membres.
Aujourd’hui, avoir cette pause de stress et voir ce groupe régulièrement m’aide à éviter de rester bloquée dans des situations de stress et d’anxiété interminables, comme je le faisais quelques mois plus tôt. Je ne souhaite pas donner l’impression qu’aller au cinéma est la solution pour vaincre tous les sentiments de solitude et de stress en tant qu’étudiante. À mon avis, cette échappatoire et ce sentiment de communauté que le Cinéma du Parc m’apporte peut se retrouver dans n’importe quel passe-temps. Alors je t’encourage, toi aussi, à trouver ton Cinéma du Parc !