Depuis le 10 mars dernier, McGill voit son campus baigné dans la langue française à travers la Francofête, un événement qui vise à mettre en valeur la francophonie, et qui se clôturera le 21 mars prochain. La Francofête, organisée par un comité organisateur dédié, comprend des activités variées, telles qu’un concours d’écriture, un rallye dans Montréal, un championnat de débat et bien d’autres évènements mettant en valeur la richesse de la cette langue.
Malgré une francophonie décriée comme étant en déclin à Montréal, et plus largement au Québec, ce phénomène risque de s’inverser au cours des prochaines années sur le campus de McGill. L’annonce du 13 octobre 2023 par le gouvernement québécois de doubler les frais de scolarité pour les étudiants détenteurs du statut « Canadien non québécois », dans le but de protéger la langue française, aura des répercussions considérables sur l’écosystème linguistique de l’Université McGill. 80% des étudiants commençant leurs études en automne 2025 devront atteindre un niveau 5 en français (sur un échelle allant jusqu’à 12) avant l’obtention de leur diplôme, et la francophonie au sein de l’université va devoir progresser pour atteindre cet objectif. Une partie importante du corps étudiant avait protesté contre ces mesures par l’organisation de multiples manifestations.
« Dans une université anglophone, le français peut être un puissant vecteur de diversité et d’inclusion en offrant un espace d’expression et de reconnaissance des francophones et francophiles où se côtoient des identités diverses »
Marion Vergues, directrice du Centre d’enseignement du français
C’est dans ce climat de tensions que la Francofête prend tout son sens. Faire usage de festivités pour célébrer la langue française et en faire un vecteur d’unité plutôt que de provoquer des clivages. Mais alors, comment est-ce que le français peut être un vecteur de diversité et d’inclusion dans une université anglophone ? Marion Vergues, directrice du Centre d’enseignement du français et membre du comité d’organisation de la Francofête répond : « Dans une université anglophone, le français peut être un puissant vecteur de diversité et d’inclusion en offrant un espace d’expression et de reconnaissance des francophones et francophiles où se côtoient des identités di-verses, à l’image du comité organisateur de la Francofête. Ce modèle d’action partenariale est essentiel pour valoriser le fait français mcgillois dans toute sa diversité. »
Depuis 2004, la Francofête gagne en popularité, initialement victime d’un succès mitigé. La création en 2007 de la Commission des affaires francophones (CAF) a permis de métamorphoser ces festivités, les rendant bien plus attrayantes. Au lieu de la traditionnelle série d’évènements culturels échelonnés sur un mois, la Francofête se tient désormais sur une période réduite, mais plus intense, avec des événements quotidiens. Interrogée sur l’importance de la tenue de ces festivités, Marion Vergues explique : « L’Université McGill est fièrement ancrée dans la pluralité montréalaise et compte nombre de francophones, de francophiles, d’étudiants et d’étudiantes faisant preuve d’une grande curiosité intellectuelle, linguistique et culturelle envers le français. Si la Francofête existe au Québec depuis 1997, elle est présente à McGill depuis 2004, à l’initiative de l’AÉUM. Autant dire combien cette initiative revêt une importance capitale, et tout aussi pertinente dans le contexte actuel. »
En effet, les organisateurs de la Francofête insistent sur l’ouverture de l’événement à tous les profils, de fervents francophones, dont le français est la langue natale, jusqu’aux anglophones et à ceux qui font simplement preuve de curiosité et désirent en apprendre un peu plus sur la francophonie. La Francofête est ainsi un événement inclusif qui se vit à travers la communauté mcgilloise. Manon Gadbois, responsable de l’initiative Vivre McGill en français et coordonnatrice de programmes en français langue seconde, explique que ce sont les étudiants, peu importe leurs milieux et leurs expériences, qui donnent vie à l’événement, « en participant, en animant, en découvrant ce qui se fait ici, en partageant leurs parcours, leurs expériences, et leur amour de la langue. »
La pluralité des événements proposés au cœur de cette édition de la Francofête reflète cette volonté d’explorer chaque facette linguistique du français. Manon Gadbois affirme que « notre diversité, c’est ce qui fait notre force et notre richesse comme université anglophone. Cette diversité est multiple : culturelle, linguistique, de genre, de l’âge et des formats de diffusion de la langue, la littérature, le théâtre, la poésie, entre autres. La langue peut aussi être plurielle avec l’écriture inclusive et neutre, par exemple ».
« Nous avons aussi voulu refléter la diversité de l’université, mais aussi sa rigueur intellectuelle, avec des volets thématiques, à l’image d’un colloque en quelque sorte. Le but pour les années à venir : reprendre ce modèle, cette signature, et offrir encore davantage d’activités »
Manon Gadbois, responsable de l’initiative Vivre McGill en français
Tous les moyens sont bons pour faire rayonner la francophonie, et les organisateurs font souvent preuve d’originalité. C’était le cas pour le rallye de la Francofête (voir photographie), organisé par le Centre d’enseignement du français à travers le centre-ville de Montréal, survenu le 14 mars. A travers différentes activités et défis, l’objectif était de faire découvrir aux participants la ville dont les nombreuses influences internationales font la force, mais qui reste profondément ancrée dans une tradition francophone. Avec pour point de départ le Centre des mémoires montréalaises, et passant du Vieux-Montréal au quartier chinois, le rallye a vu plusieurs équipes de 3–4 personnes étudier des indices liés aux facettes historiques et culturelles de Montréal.
La Francofête 2025 paraît jusqu’ici comme un franc succès. Elle devient un moyen de réconciliation avec le français, au cœur d’une époque marquée par les clivages dus aux mesures gouvernementales visant à sécuriser la langue au détriment de la diversité. McGill devra faire des efforts conséquents pour surmonter ces changements, maintenir sa réputation à l’international et concilier intégration de la culture québécoise et attractivité. Des initiatives comme la Francofête permettent de nous rappeler que le français est avant tout une langue culturellement riche qui a le potentiel d’unir.
Manon Gadbois conclut : « Cette année, nous avons mis de l’avant un nouveau format. Tout d’abord, la création d’un comité organisateur pan-universitaire afin d’en faciliter la gestion et créer davantage de partenariats aussi bien en interne qu’en externe. Nous avons aussi voulu refléter la diversité de l’université, mais aussi sa rigueur intellectuelle, avec des volets thématiques, à l’image d’un colloque en quelque sorte. Le but pour les années à venir : reprendre ce modèle, cette signature, et offrir encore davantage d’activités. »