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Place au français !

L’équipe partage ses recommandations littéraires francophones.

Jade Lê | Le Délit

J’aime particulièrement les éditions Mémoire d’encrier, fondées à Montréal en 2003, qui réunissent auteurs de diverses origines. Leurs livres ont pour but de sensibiliser les lecteurs à l’histoire et aux inégalités. Si vous souhaitez découvrir des voix uniques et parvenir à apprécier le monde sous un regard différent, je ne peux que vous conseiller un de leurs livres !

Pierre Falardeau. Un vrai révolutionnaire. Son œuvre est le combat d’une vie – authentique, percutante, véritablement québécoise. Commencez par Octobre ou Rien n’est plus précieux que la liberté et l’indépendance et n’arrêtez jamais !

Je recommande les livres de René Barjavel à celles et ceux qui ont envie de rêver pendant un moment. Impossible de ne pas être marqué par son livre Ravage, le plus connu, mais je recommande avant tout son livre La Nuit des Temps, un chef‑d’œuvre qui fait aussi bien rire que pleurer. Les chemins de Katmandou est moins chargé en émotion, mais tout aussi agréable à la lecture !

J’aime la non-fiction d’Emmanuel Carrère, où les récits de vie se dévoilent dans leur crue réalité, chargés d’émotions puissantes. D’autres vies que la mienne est une mer déchaînée où la douleur du deuil se mêle à l’espoir. Dans L’adversaire, c’est une révélation psychanalytique, une plongée vertigineuse dans l’âme humaine. Mais il y a aussi la poésie, qui sculpte les mots comme des ornements délicats, suspendus dans le temps. Lisez Paul Éluard et Louis Aragon.

Je recommande vivement les pièces de théâtre de Yasmina Reza – Conversations après un enterrement, La traversée de l’hiver et Art ont de quoi plaire à tous les lecteurs. Reza parvient à construire de véritables drames, touchants et universels, à partir de sujets qui paraissent souvent banals au premier abord. Ses pièces vous feront rire et pleurer.

J’ai découvert un de mes récits coups de cœur à travers le film d’animation L’homme qui plantait des arbres (basé sur la nouvelle de Jean Giono) du réalisateur québécois Frédéric Back. L’histoire est par elle-même vivante, et les dessins ainsi que la narration du film magnifient son message en plongeant le spectateur dans un univers poétique et bouleversant, où la nature reprend peu à peu ses droits grâce à la détermination et l’altruisme d’un homme. C’est un court métrage à voir plusieurs fois dans sa vie, pour sa douceur et son rappel franc de la fragilité de l’environnement et notre indissociabilité avec celui-ci.

Yasmina Khadra, auteur algérien de renommée internationale et maintes fois primé, demeure pour moi l’un des meilleurs écrivains francophones. Il maîtrise l’art de décrire des réalités souvent ignorées ou incomprises avec une complexité et une profondeur rares. Ses œuvres, généralement ancrées dans des contextes musulmans, vont bien au-delà des stéréotypes et archétypes associés à l’image de l’arabe. Il dépeint des personnages d’une richesse, pris dans des dilemmes existentiels et des contradictions multiples. Ce qui m’impressionne toujours, c’est sa capacité à faire ressentir l’aliénation de façon aussi saisissante et vivante, plongeant le lecteur dans un questionnement qu’il ne peut oublier.

Je ne peux que soutenir ces propos. Si Ce que le jour doit à la nuit, le plus connu des romans de Yasmina Khadra, allie merveilleusement l’histoire de son protagoniste au contexte de la guerre d’Algérie, j’ai particulièrement aimé lire L’Écrivain. Dans cette autobiographie, l’auteur nous raconte son amour pour la langue française et la littérature, et narre le développement de son processus d’écriture au sein du cadre militaire rigide et disciplinaire qui l’a vu grandir.

Parce qu’à mes yeux, aucune œuvre ne peut égaler la gigantesque fresque d’Émile Zola des Rougon-Macquart, je vous recommande en particulier le roman Au Bonheur des Dames. Le récit décrit la naissance des grands magasins en pleine révolution industrielle en France à une époque qui n’avait encore jamais connu la surconsommation. Se replonger dans les classiques demande un peu d’effort, mais cela vaut toujours le coup. Dans le même registre, et pour un format plus court, je suggère la lecture de la nouvelle Boule de Suif de Maupassant.

La bande dessinée est un média accessible qui réussit à communiquer aux tout petits comme aux plus vieux. J’aime particulièrement Le petit astronaute de Jean-Paul Eid. C’est un récit qui touche le cœur et qui vient chercher la beauté par la tristesse.

Je trouve aussi que les bandes dessinées permettent d’explorer des sujets profonds, tout en gardant un élément visuel qui permet à nos cerveaux sursollicités de rester plongés dans des récits complexes. Un des classiques récents du genre est évidemment Le monde sans fin de Blain et Jancovici, qui offre une réflexion percutante sur le changement climatique. Je recommande aussi fortement Shenzhen, de Guy Delisle, une autobiographie visuelle savamment construite qui retrace la période de vie du Québécois dans cette ville chinoise bourdonnante, surprenante, et parfois incompréhensible.

Entièrement d’accord ! L’univers de la BD nous emmène dans des réalités à la fois visuelles et narratives qui marquent durablement. Dans cette même lignée, je recommande J’y vais mais j’ai peur de Clarisse Crémer. Ce récit graphique explore avec sincérité et passion le monde de la voile, un domaine où les femmes sont encore trop peu représentées. C’est une BD qui parle d’aventure, mais aussi d’engagement et de dépassement de soi, le tout raconté avec une authenticité qui résonne. Aussi, je recommanderai toujours les livres que j’ai pu lire petite, et qui se relisent encore et encore, bien plus tard dans la vie. Ce sont ces livres-là qui m’ont le plus marqués, parce que je les ai lus ou écoutés en livre audio des dizaines de fois, et les relire plus tard leur fait prendre un tout autre sens. Je ne pourrais jamais me lasser de la version audio de Zazie dans le métro, par Raymond Queneau. C’est cru, c’est vivant, c’est drôle, et on en apprend beaucoup plus en redécouvrant ça des années plus tard.


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