Le vendredi 21 mars, l’Université Columbia à New York a annoncé son intention d’appliquer une série de mesures exigées par l’administration de Donald Trump. Cette décision intervient dans l’espoir de récupérer les 400 millions de dollars de fonds fédéraux que le gouvernement avait suspendus, accusant l’établissement de tolérer l’antisionisme et l’antisémitisme sur son campus.
Dans une lettre adressée au gouvernement américain, Columbia s’est engagée à revoir en profondeur sa gestion des manifestations étudiantes, à adopter une définition stricte de l’antisémitisme et à réformer plusieurs départements académiques, notamment ceux consacrés au Moyen-Orient, à l’Afrique et à l’Asie du Sud.
Depuis plusieurs semaines, Columbia tente de concilier les pressions gouvernementales avec la mobilisation persistante de ses étudiants, qui manifestent pour la liberté d’expression et la cause propalestinienne. La décision du 21 mars marque un tournant majeur, susceptible d’avoir des répercussions sur d’autres universités américaines confrontées aux mêmes tensions sous la gouvernance de Trump.
Le corps étudiant en colère
Depuis le début du mois de mars, des manifestations agitent le campus de Columbia et les rues de New York. Celles-ci s’attaquent aux mesures imposées par Trump, mais aussi à la réaction jugée trop conciliante de l’université. La semaine dernière déjà, pour apaiser la pression fédérale, Columbia avait pris la décision de sanctionner les étudiants impliqués dans le campement propalestinien de l’été 2024. Certains risquent l’expulsion ou la perte de leurs diplômes, tandis que d’autres font déjà face à des poursuites judiciaires.
« Il suffit de prendre la parole ou de participer à une manifestation où on se ferait prendre en photo pour risquer le renvoi ou la déportation »
Camille, étudiante à Columbia
L’affaire a pris une tournure dramatique début mars avec l’arrestation par la police fédérale de l’immigration (ICE) de Mahmoud Khalil, un Palestinien diplômé de Columbia et figure du mouvement étudiant. Son interpellation, qui pourrait conduire à son expulsion du pays, a provoqué une vague d’indignation dans le monde universitaire. À l’heure actuelle, Khalil est toujours détenu en Louisiane, bien qu’il possède les documents nécessaires pour justifier sa présence légale aux États-Unis.
Camille, étudiante en programme de maîtrise à Columbia, témoigne : « C’est difficile, parce qu’on a envie de prendre la parole pour exprimer notre colère face à la situation – que ce soit les coupes budgétaires ou les arrestations – mais le fait de lever la voix nous expose à beaucoup de dangers. Il suffit de prendre la parole ou de participer à une manifestation où on se ferait prendre en photo pour risquer le renvoi ou la déportation. » Elle ajoute que la situation actuelle sur le campus est très tendue et anxiogène : « C’est vraiment inquiétant, surtout en tant qu’étudiants étrangers, de se dire qu’à tout moment sur le campus ou aux abords on peut se retrouver face à l’ICE ou le DHS [Department of Homeland Security], qu’on peut assister à la déportation de quelqu’un », confie-t-elle.
Un élan de solidarité au-delà des frontières
Au Canada, des universitaires et associations étudiantes ont exprimé leur soutien aux étudiants de Columbia. L’association Étudiants pour l’honneur et la résistance de la Palestine (Students for Palestinian Honour and Resistance, SPHR) de l’Université McGill a publié un message de soutien à Mahmoud Khalil sur Instagram : « Depuis 16 mois, nous avons vu des administrateurs d’universités à travers l’Amérique du Nord collaborer avec la police, les gouvernements fédéraux et les groupes de pression sionistes pour tenter d’étouffer l’Intifada étudiante. […] Les étudiants canadiens ne sont ni inconscients ni immunisés contre la répression de l’État. Nous exigeons la libération de Mahmoud Khalil et le désinvestissement immédiat ! (tdlr) »
Alors que les tensions ne faiblissent pas, la situation de Columbia illustre un climat de plus en plus hostile aux mouvements étudiants contestataires aux États-Unis, et pose la question de l’avenir de la liberté d’expression dans les campus américains.