Le Délit (LD): V.NUS, quelle est l’origine et la signification de votre nom d’artiste ?
V.NUS (V): Au début de ma carrière, il y a neuf ans, je cherchais un nom d’artiste qui serait facile à prononcer dans le plus grand nombre de langues possible. J’avais fait des recherches sur la mythologie romaine et j’avais vraiment été attiré par la déesse Vénus, la déesse de la beauté et de l’amour. Un peu plus tard, ma soeur m’a conseillé de remplacer le É par un point pour rendre le mot plus androgyne. En plus, je trouve que V.NUS avec un point exprime un véritable nom d’artiste au lieu d’une déesse ou genre la planète !
LD : Comment le projet V.NUS a‑t-il vu le jour ?
V : Déjà quand j’étais au cégep, je brûlais littéralement d’envie d’exercer ce métier. Et je tiens à dire que ma famille et mes amis proches m’ont fortement encouragé, dès le début. Grâce à ma détermination et à différentes opportunités, je peux maintenant dire que j’ai pu m’établir en tant qu’artiste et présenter des centaines de spectacles.
LD : À ce jour, quelle est l’ampleur du projet V.NUS ?
V : Je présente régulièrement des spectacles dans différents clubs et cabarets à Montréal. Mais ces dernières années, j’ai réussi à pousser encore plus en offrant des spectacles à Québec, Toronto, New York, Las Vegas, Hollywood, et j’en passe. J’ai présenté The Sticky and Sweet Tour dans plus de sept festivals majeurs. J’ai maintenant une réputation nord-américaine que très peu de gens qui exercent le même métier que moi ont. La seule contrainte tangible, et je vous assure que je la ressens à 100%, c’est le manque de fonds. Il me suffirait juste d’un producteur sérieux pour aller plus loin dans mon projet.
LD : Vous avez fait de la personnification de Madonna votre marque de commerce. Pourquoi cette artiste plus qu’une autre ?
V : Madonna m’inspire énormément ! Pour moi, elle est un véritable modèle d’acharnement et de réussite. Elle prouve que malgré l’âge, c’est possible de créer un engouement à l’échelle internationale. À toutes les fois que j’y pense, j’ai de la misère à réaliser à quel point elle a repoussé des limites et brisé des tabous dans l’industrie artistique. Mais je dirais aussi que durant les six premières années de ma carrière, Madonna avait vraiment la cote auprès du public. Sauf que maintenant que je personnifie de plus en plus d’artistes, comme Mariah Carey, Jennifer Lopez, Céline Dion et, très bientôt, Michael Jackson, le public en vient à avoir des préférences plus spécifiques, ce qui m’emballe au plus haut point.
LD : Michael Jackson ? Dans ce cas là, votre titre de « personnificateur » féminin perd de son sens, non ?
V : Non, c’est justement ça le problème ! On m’a longtemps associé à tort à la personnification féminine, alors que je suis un vrai « personnificateur » professionnel. J’incarne des artistes que j’aime, peu importe qu’ils soient du sexe féminin ou masculin. C’est primordial pour moi…
LD : Compte tenu de l’ignorance générale du grand public sur ces questions, pourriez-vous établir la différence entre une drag queen, un travesti et vous, un « personnificateur » professionnel ?
V : Un travesti, c’est une personne qui s’habille en femme parce que ça lui plaît, tout simplement. Ils le font vraiment par pur plaisir. Un homme peut se travestir pour… genre aller faire l’épicerie. C’est une manière de vivre, pas du tout un métier ou un même un art. Pour les drag queens, je dis toujours qu’ils incarnent une exagération burlesque de la femme. Souvent ils portent des costumes exubérants et colorés et offrent des petites prestations. Mais vraiment pas un show de deux heures comme moi, par exemple. C’est habituellement des sketchs comiques qui servent à faire rire l’auditoire. Dans mon cas, j’exerce un métier d’acteur, duquel découle une interprétation recherchée d’un artiste populaire. Ça nécessite des efforts réels et… comme je pourrais dire… pointus pour reproduire une illusion quasi-parfaite de l’artiste que je personnifie. Je m’efforce vraiment pour mettre l’accent sur l’image. Tout ça pour me différencier des imitateurs comme Claudine Mercier, par exemple, qui s’attarde uniquement sur la voix. Le visuel de mes spectacles, c’est ce qui génère l’émoi de mon public.
LD : En raison de cette confusion, croyez-vous que la profession de « personnificateur » s’inscrit naturellement dans la culture homosexuelle ?
V : La masse en général a une image préconçue et plus souvent qu’autrement négative de mon métier, et ce, avant même de m’avoir vu sur scène. Je peux vous garantir qu’après avoir assisté à un de mes spectacles, ces mêmes personnes sont renversées. Littéralement ! Sincèrement, je ne crois pas que l’homosexualité soit une partie intégrante de mon métier. Alors là, vraiment pas ! Pleins d’autres artistes homosexuels au Québec ont une carrière établie dans le milieu culturel hétérosexuel. On n’a qu’à penser à Alex Perron, Joël Legendre ou encore Dany Turcotte.
LD : L’émancipation de V.NUS du milieu culturel gay est-elle une chose désirée pour vous ?
V : C’est certain. Mais je vais vous avouer que c’est durant le festival Divers/Cité l’année passée que j’ai eu ma foule record : 12 000 personnes. 12 000 personnes qui s’étaient déplacées pour venir me voir. Ça prouve à quel point c’est vrai que le milieu gay est mon public le plus fidèle. Je ne pourrais pas les renier, un peu comme Céline avec les Québécois. Quoi qu’il arrive dans le futur, je vais toujours me souvenir de ceux qui ont cru en moi dès le début.
LD : Cette émancipation est-elle donc plausible ?
V : Humblement, je crois que ça va arriver grâce à ma toute nouvelle personnification de Michael Jackson. Juste le fait que j’incarne un homme alors que je suis moi-même un homme, c’est largement plus accepté… tous les tabous s’écroulent. Quand je personnifie des artistes populaires féminines, ça c’est dérangeant, ça trouble monsieur et madame tout-le-monde ! À partir de maintenant, avec Michael Jackson, un père de famille pourra amener son fils à mon spectacle et l’initier aux chansons du Roi de la Pop. Une telle chose serait absolument impensable si j’incarnais Lady Gaga, par exemple. Le point est que les préjugés et les tabous sont encore incrustés dans la collectivité.
LD : De fait, les métiers non traditionnels et marginaux comme le vôtre sont malheureusement trop souvent la cible de préjugés populaires. En avez-vous déjà personnellement souffert ?
V : C o n s t a m m e n t ! Pratiquement à tous les jours je dois recommencer la même argumentation, défendre mon point de vue et ouvrir les yeux des gens quant à la diversité culturelle. On n’est pas obligés d’aimer uniquement Céline Dion au Québec, plein d’autres choses existent sur la scène artistique, pourquoi donc ne pas les explorer ?
LD : D’après vous, qu’estce qui nourrit ces idées préconçues et fausses ?
V : Je dis souvent que je dois me battre contre la vague créée par d’autres personnes avant moi. Ceux-là sont passés avant moi dans les médias et ont contribué à renforcer l’image négative que les gens ont face à mon métier. Je ne vais pas nommer de noms ici, mais je pense bien qu’on a tous une petite idée de qui sont ces personnes… Malgré tout ça, mon âme entrepreneuse a permis à V.NUS de devenir une institution avérée dans la communauté homosexuelle montréalaise.
LD : Qu’est-ce qui attend V.NUS à court et moyen terme ?
V : Je compte mettre sur pied une seconde partie de mon Sticky and Sweet Tour pour l’année 2010. Sérieusement, ce spectacle- là a suscité un engouement sans précédent. D’un autre côté, j’ai la ferme impression que ma nouvelle imitation de Michael Jackson va être le début d’un nouveau chapitre dans ma carrière. Tous les éléments sont là : son regain de popularité suite à sa mort, ma ressemblance physique avec lui… c’est comme si ça m’attendait. Saisir l’opportunité n’était pas une option, mais bien une obligation. Tout le monde m’a encouragé à foncer à 100% dans ce projet.
LD : En terminant, qu’estce que l’on peut souhaiter à V.NUS pour les années à venir ?
V : Mon plus grand rêve serait de performer un spectacle professionnel et grandiose et de le présenter dans un des plus grands casinos du monde, peu importe l’endroit sur la planète. J’aspire à ce que V.NUS n’ait plus de frontières. Vous savez, j’ai 29 ans et le travail ne me fait pas peur. Être sur scène, c’est ce qui me permet de rester en vie. Et j’ai bien l’intention de brûler les planches pour encore bien longtemps.
V.NUS présentera les 28 et 29 octobre prochains à 22h00 au Cabaret Mado son tout nouveau spectacle intitulé « V.NUS personnifie Michael Jackson ». Visitez www.VNUS.ca pour de plus amples renseignements.