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Exercice et eau vitaminée

D’emblée, il faut mentionner que le Français moyen a peur du mot « gym ».

Ce dernier lui rappelle le sport-torture du lycée où l’on faisait courir même les plus réticents autour d’un minuscule terrain. Tandis qu’ici, au Québec et plus largement en Amérique du Nord, on découvre une autre réalité : les salles de sport à la chaleur étouffante. Bruyantes, on s’y tasse pour extirper l’énergie débordante de centaines d’étudiants.

Les étudiants, en général, aiment aller au gym. Ils se sentent « plus énergiques après », comme déclare Lucile, étudiante en Histoire. D’autres se sentent « épuisés mais satisfaits » comme Seema, étudiante en psychologie. Cependant, quand le sportif est questionné avant l’exercice, la plupart avouent sans cachoterie : « Je DOIS y aller, ça fait trop longtemps que je n’y suis pas allé. » Le temps diffère selon les personnes, allant de deux jours pour Billy, étudiant en économie jusqu’à deux semaines. Avouer le contraire serait un crime contre son image. Car attention, le gym est un sujet sensible. On ne demande pas à n’importe qui s’il va au gym ni sa régularité.

Les uns mettent en avant la cote physique, l’impression de faire du bien à leur corps ou le souci de garder la ligne, tandis que les autres parlent de l’aspect social. En effet, s’entraîner au gym est un événement social en soi. Pour certains il s’agit de se « montrer » au gym. Les filles d’un coté, les garçons de l’autre ; le jeu des œillades peut commencer. Quelques sportifs ont plus de chance que d’autres et peuvent même repartir avec un numéro. Seema, étudiante de psychologie en U2 s’est ainsi fait aborder à la fin de son exercice. Rien de mieux que la drague suante. L’aspect social de l’entraînement semble paradoxal par rapport à la nature même de cette activité. En effet, même si on s’y rend entre amis, chacun prend sa machine, chacun a son objectif, son iPod et son rythme. Il ne s’agit pas de parler aux autres, ni de partager quelque chose. Non, le gym reflète à quel point la société se fait individuelle aujourd’hui. Et pourtant des jeunes s’y rendent pour socialiser, ou avoir moins l’impression d’appartenir à la société. Cette même société qui les pousse à se rendre dans ces salles.

L’effort physique est important, nécessaire à la santé sans aucun doute. Et le gym est un moyen de satisfaire cette nécessité. Mais il y en a d’autres, plus publicisés sur le Vieux Continent, qui est la terre du jeu sportif, qu’il soit individuel ou collectif. Pas le sport collectif de compétition, qui draine des sommes inimaginables, mais plutôt le sport d’équipe à un niveau de loisir. Ainsi, alors qu’à la fac en France, on peut s’inscrire dans une équipe de foot ou de rugby sans ambition compétitrice, il est très difficile de faire de même ici sans que l’engagement soit considérable. Pourquoi faire partie d’une équipe devrait rimer avec douze heures d’entraînement par semaine ? Il y a de quoi démotiver les jeunes intéressés, qui n’aspirent pas à devenir des athlètes, mais juste à se défouler autrement que sur un tapis roulant.

De plus, l’aspect financier du gym est considérable. Tous les produits dérivés de cette pratique sont en pleine expansion. Rien qu’en produits vestimentaires depuis les institutions comme lululemon jusqu’à des boutiques à petite échelle comme le Club des coureurs, « l’effet-gourde », comme il est baptisé dans des cercles d’étrangers septiques, est également un phénomène récent. La gourde est devenue un accessoire de mode. Boire de l’eau n’est plus vital mais est devenu tendance. Celles qui sont les plus présentes dans les salles de sport sont celles avec le blason ou le nom de McGill, mais les gourdes associées à des marques font fureur aussi. La gourde sportive sort aussi du gym pour prouver qu’on s’entraîne, ce qui est toujours une priorité pour le sportif.

Un de ces produits qui est en explosion est la boisson énergétique. Le sujet de la boisson en salle d’exercices est primordial vu que l’hydratation du sportif n’est pas à négliger. Mais l’augmentation du nombre de produits remet en doute le vieux proverbe « on ne boit jamais trop ». On peut même trop boire quand il s’agit d’eau. En effet, il est important de s’hydrater pendant l’exercice, mais il faut le faire quand on a soif. Boire de l’eau à tout bout de champ peut causer l’hyponatrémie, c’est-à-dire la réduction du taux de sodium dans le sang. Cette réaction est à l’origine de l’état léthargique des coureurs. Cependant, si boire trop d’eau est une chose, les boissons-miracles, compléments alimentaires, énergisants et autres en sont une autre. La boisson du gym est sexuée. Vitamin Water pour les filles, Gatorade et autres Muscle Milk pour les garçons.

L’effet des boissons énergétiques serait bien plus psychologique que réel. Les produits Gatorade et VitaminWater ne fonctionnent que grâce à l’exercice, et au culte du corps sain. Cependant, est-ce vraiment si sain que les publicités le revendiquent ?

Gatorade vient de sortir de nouveaux compléments qui viennent en set de trois : un avant l’effort, un pendant, et un après. Selon leur site officiel, le premier complément du set « Fit », une barre aux noix et aux fruits au goût douteux et d’une taille minuscule qui ne remplit pas du tout l’estomac contient, outre du sucre, 15% des apports journaliers recommandés en gras, dont du gras saturés. Quand on regarde de près le set « Pro » on se rend compte que la portion recommandée pour chacune des trois boissons rapporte au total 87g de sucres, soit 18 morceaux. Et encore ce n’est que pour les portions recommandées. Qui amène son verre doseur dans son sac pour mesurer ses 47mL recommandés ? Il y a de quoi vouloir courir ! Cependant, il existe de nombreux soutiens à Gatorade, qui affiche plus de 4 300 000 fans sur Facebook. Ils pensent que la boisson améliorerait leur performance, tandis que d’autres se contentent d’apprécier le goût.

Vitaminwater, son pendant plus féminin, est une marque de boisson qui fonctionne à l’image du jeune tant au niveau des compagnes publicitaires que des produits proposés. Ce produit rattaché à Coca-Cola depuis 2007 vend son image grâce à la recette-miracle de celle-ci en poussant le coté « jeunes » avec par exemple l’utilisation de célébrités populaires chez les jeunes (Jennifer Anniston, Lady Gaga,) et des notices de nutrition « délirantes ». Malgré son prix, le même qu’une bouteille de Coca-Cola en Amérique du Nord, mais le double du prix pour les Européens, les consommateurs n’ont pas l’air de bien lire l’étiquette. Elle a été critiquée pour être trop riche en sucres (4,6g de sucre pour 100mL soit par bouteille 23g de fructose, 26% des apports journaliers recommandés).

À coté de toutes ces boissons, un simple et rafraichissant verre de lait, même entier, est inoffensif.

De la même manière, Muscle Milk, qui vend des boissons et compléments alimentaires, est apprécié des hommes qui veulent développer leur masse musculaire. Selon leurs chiffres officiels, les teneurs en gras saturés vont jusqu’à 20% des apports journaliers recommandés pour leurs barres céréalières. En voulant faire du sport, ce qui traditionnellement dénote une volonté de prendre soin de son corps, le sportif ingère des substances, comme les gras saturés difficilement éliminables et nocifs, en excès. Billy, l’étudiant en économie, achète des produits Muscle Milk depuis l’année dernière. Il témoigne que la vue des autres étudiants à son arrivée à McGill l’a intimidé et l’a poussé à se construire une image « d’homme fort ». Même si le prix est élevé (80 dollars pour trois mois de consommation) et le goût douteux, cela n’arrête pas Billy qui passe une dizaine d’heures par semaine dans la salle. Même si secondaire il jouait basketball de façon régulière, il a l’impression de se développer plus grâce à Muscle Milk et aux entraînements au gym. Psychologique ou réel ? Difficile de savoir.

Le problème des boissons au gym est celui de la quantité de calories ingérées par rapport à l’effort, ainsi que l’hydratation insuffisante des sportifs. Les boissons énergisées peuvent intéresser les marathoniens et autres athlètes de haut niveau qui fournissent un effort dans la durée mais certainement pas pour la plupart des sportifs qui fréquentent une salle de fitness. Pour ceux-là, un verre de lait suffira.


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