Il prendra toutefois, et malheureusement, la forme d’une critique d’une croyance religieuse qui ne devrait pas en être une. Je parle de l’idéologie. Certains y opposeront le pragmatisme, ce qui est, à mon avis, un aveu détourné d’absence de convictions profondes. Se vanter d’être pragmatique, c’est se vanter que nos opinions n’ont aucun fondement solide et qu’elles sont guidées par un impératif plutôt vague de bonheur général. Au pragmatisme et à l’idéologie, il faut opposer un troisième joueur.
Ce dernier, c’est celui qui considère que l’idéologie n’est pas une fin en soi, mais les fondations d’une pensée politique sur laquelle un individu se doit de construire. Celui qui adopte ce mode de pensée évite deux pièges : celui d’être une girouette qui suit l’air du temps et celui d’être un fanatique obsédé par le respect de la norme idéologique qu’il a fait sienne.
Ceux qui se bornent d’idéologie, la voyant comme une fin en soi, cessent de réfléchir à ce qui doit être fait et à ce qui doit être évité. Le modèle qu’ils se sont construit se justifie lui-même et cela est suffisant : hors du modèle, il n’y a que des idiots qui n’ont rien compris.
L’idéologie devient pour eux un outil qui pense à leur place, qui leur soumet les opinions à adopter, sous peine d’excommunication de leur Église respective. Au Vatican, la Congrégation pour la doctrine de la foi a pour mission de promouvoir et défendre la doctrine et les mœurs catholiques.
Le courant de pensée dicte les normes, les opinions et les fondations, et la transgression ne saurait être tolérée puisque seule l’hérésie s’en suit. La simple peur d’être un outsider suffit à tenir les idéologues en rang.
Ces gens adopteront des livres cultes, venant jouer le rôle de la Bible ou du Coran, mais s’appelleront Anarchie, État et Utopie, Le Capital, Atlas Shrugged ou La Conquête du Pain. Ces livres décrivent peut-être un monde à créer dans la tête de leurs auteurs, mais pour l’être humain moyen doté d’un minimum de sens critique, ils doivent former la base d’un système de pensée et non pas le système de pensée en soi.
Ils jettent les principes sur lesquels quelqu’un doit construire ses opinions pour affirmer son individualité intellectuelle en y ajoutant ce qu’il croit être juste. Y obéir aveuglément ne fait que noyer la raison dans une marre intellectuelle collectiviste d’où rien, sauf de la rigidité, n’émerge.
L’idéologie est utile comme levier intellectuel, mais elle ne doit pas définir quelqu’un. Combien de fois me suis-je fait demander si j’étais un libertarien, un néo-libéral, un monétariste, etc.? Honnêtement, je ne sais pas ce que je suis. Je serai ce que vous voulez que je sois, si vous avez tant besoin de me coller une étiquette.
À quoi bon se définir idéologiquement ? Vous finirez toujours par diverger du groupe auquel vous prétendez appartenir. Laissez les autres vous donnez un titre si ça les conforte de se convaincre que vous avez tort pour le simple fait que vous êtes un « néokeynésien ».
La dernière chose dont nous avons besoin ces temps-ci, c’est d’une doctrine de la foi intellectuelle.