Un rapport du groupe Human Rights Watch, intitulé « On attend la mort ici », déposé le 16 janvier, dénonce le projet de « villagisation » du gouvernement éthiopien faisant des remous jusqu’à Ottawa.
Le projet de villagisaton a déjà forcé le déplacement de près de 70 000 personnes indigènes de la région de Gambela et prévoit d’en déplacer jusqu’à 1,5 million d’ici 2013 à des fins purement économiques, indique le rapport de HRW. Les villageois, déplacés vers une région aride, non cultivable, vont voir leurs terres louées à des investisseurs indiens, chinois ou saoudiens, à des fins commerciales.
L’Éthiopie dans l’embarras
Même si le plan de développement agricole commercial, d’où provient le projet de villagisation, précise que les déplacements doivent se faire sur une base volontaire, le rapport souligne une toute autre réalité : ceux qui s’y opposent se voient menacés, arrêtés ou même agressés.
De plus, Human Rights Watch dénonce le fait que le gouvernement se voie incapable de fournir les besoins essentiels aux villageois, privant ces derniers de soins de santé de base et provocant entre autres des cas de famine.
Or, la controverse entourant le projet de « villagisation » ne repose pas uniquement sur les déplacements forcés d’indigènes. En réalité, l’Éthiopie se retrouve sous les radars, car elle offre ses terres aux marchés agricoles internationaux aux dépens de ses propres fermiers. Le rapport de l’organisation indique que jusqu’à présent, 3,6 millions d’hectares de terre, équivalant à la taille des Pays-Bas, ont été mis en location. Toutefois, même si le gouvernement continue de nier l’éventuel lien entre déplacements forcés et investisseurs étrangers, d’anciens représentants du gouvernement local ont confirmé l’information à HRW.
Des échos à Ottawa
Il est à noter que l’Éthiopie est le troisième plus grand récipiendaire d’aide étrangère canadienne, recevant près de 170 millions de dollars par année. Avec son extrême pauvreté, cet état africain figure 174e sur 187 dans l’index de développement humain établi par le Programme des Nations Unies pour le développement. Ainsi, parmi les priorités de l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI) concernant ce pays de la Corne de l’Afrique, figurent la sécurité alimentaire, l’agriculture et le développement rural. (Pour une liste détaillée des projets actifs, la banque de projets de l’ACDI est disponible en ligne.)
Cela dit, le rapport de HRW surgit à un moment plutôt opportun : la ministre Bev Oda vient d’approuver l’allocation de millions de dollars en aide étrangère destinée à un projet d’agriculture en Éthiopie. Au sujet de leur stratégie de développement agricole, l’ACDI précise que les risques englobent les changements climatiques, les problèmes techniques liés au développement agricole, ainsi que les problèmes de gérance. Ce dernier sera davantage mis sous la loupe avec le rapport de Human Rights Watch qui dénonce les fins « secrètes » du gouvernement éthiopien et son intérêt envers les marchés agricoles internationaux.
Ainsi, cette importante somme d’argent allouée à l’Éthiopie se retrouve sous la loupe et fait des échos à Ottawa pendant que Human Rights Watch demande aux donateurs internationaux de couper toute aide étrangère jusqu’à ce que les déplacements forcés cessent.