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Votre sexe s’il vous plaît ?

Les transsexuels et transgenres ont la vie dure dans les aéroports canadiens.

En juillet dernier, le Règlement sur le contrôle de l’identité dans les aéroports a été modifié une fois de plus. Selon la codification canadienne, il serait maintenant « interdit au transporteur aérien de prendre en charge un passager dans les cas suivants : 5.2.1 c) il ne semble pas être du sexe indiqué sur la pièce d’identité qu’il présente ; d) il présente plus d’un moyen d’identification et il y a une divergence importante entre ceux-ci. »

Suite à ce nouveau règlement, la population transsexuelle et transgenre du Canada se sent offusquée. Un dilemme s’impose : que vient en premier, les droits et libertés ou la sécurité des passagers ?

Des groupes militants pour les droits et libertés des transsexuels et transgenres croient qu’il ne leur sera désormais plus possible de prendre l’avion. Les pétitions sont abondantes et les défenseurs des offensés de plus en plus nombreux. Madame Sandrine Marquis,  vice-présidente de l’organisme Aide aux transsexuels et transsexuelles du Québec informe les gens et aide les transsexuels dans la recherche de leur identité. Elle est donc très au courant des développements de ce nouvel article de loi.

Elle déclare qu’il s’agit là d’un sujet épineux et ambigu, car plusieurs problèmes en découlent. « Il en ressort que les employés des compagnies aériennes sont dans l’obligation de vérifier l’identité de chaque passager-ère, évaluer son genre et le comparer avec celui qu’ils lui attribuent à la mention du sexe figurant sur ses pièces d’identité. Si, selon le transporteur aérien, le genre apparent du passager ne concorde pas avec les pièces d’identité, le transporteur se doit de refuser le-la passager-ère. »

Pourquoi ne pas simplement changer le sexe sur les pièces d’identité ? Madame Marquis déclare que « la plupart des provinces canadiennes exigent l’amendement de l’Acte de naissance avant de permettre le changement des pièces d’identité. Pour ce faire, elles exigent que la personne concernée ait subi une chirurgie de « réassignation sexuelle », visant par le fait même la stérilisation. Par contre, de nombreuses personnes transsexuelles ne veulent pas d’une telle chirurgie, ou ne peuvent pas subir l’intervention chirurgicale pour des raisons médicales ou parce qu’ils sont trop jeunes. Même pour une personne pouvant avoir recours au changement légal de la mention de sexe, le processus est long et onéreux. »

Évidemment, les transsexuels et transgenres clament leurs droits. Dans la Charte canadienne des Droits et Libertés, il y est clairement inscrit à l’article 6.1 que « tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir. » Le ministre Denis Lebel se défend en déclarant qu’il s’agit d’une simple mesure de sécurité et qu’il n’est aucunement question des droits de la personne.

Néanmoins, tous les pays n’adoptent pas un règlement aussi draconien. Dans certains pays tels que l’Australie et la Nouvelle-Zélande, une solution ingénieuse a été adoptée. En effet, on retrouve maintenant sur les passeports l’option F (femme), H (homme) et l’option X (indéterminé).

Les transsexuels désirant obtenir ce nouveau droit doivent donc présenter une lettre certifiée de leur médecin, pour ensuite obtenir les documents pour le sexe auquel ils préfèrent s’identifier, et ce, sans exiger la chirurgie. Un problème est bel et bien réglé, le sexe ne peut être falsifié, on assure ainsi la sécurité des passagers et chaque individu a la possibilité d’indiquer, sous quelques réserves, le sexe auquel il s’identifie le mieux.

Pourquoi n’en est-il pas de même au Canada ? Dans le Règlement sur le contrôle de l’identité, il est inscrit à l’article 5.2.2 a) que le transporteur peut prendre en charge un passager si « l’apparence du passager a changé pour des raisons médicales après la prise de la photo et que celui-ci présente au transporteur aérien un document qui est signé par un professionnel de la santé qui en fait foi ». Toutefois, nous ne retrouvons nullement de telles affirmations en ce qui concerne le sexe de la personne. Donc, certaines personnes comme madame Marquis, pour qui la photo concorde sur le passeport, mais pas le sexe, se voient malheureusement refuser le droit de passage, une lettre de médecin ne servant à rien dans ce contexte.

Selon elle, on progresse tout de même pour les droits des transsexuels, la chirurgie de changement de sexe étant maintenant couverte par la Régie de l’assurance maladie du Québec, par exemple. La lutte n’est toutefois pas encore gagnée entre le gouvernement et les transsexuels et transgenres au Canada.

Madame Marquis termine en disant qu’elle considère que le sexe auquel on appartient est une manière d’être et de se sentir, à défaut d’un morceau de peau et d’organes et qu’il serait nécessaire de porter attention à ces considérations avant de porter des jugements trop souvent infondés.


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