En réponse à l’occupation qui a débuté le 7 février, Beni Fisch, Kayla Herbert, McKenzie Kibler, ainsi que quatre autres étudiants, ont lancé un groupe Facebook intitulé « Les occupants du sixième étage du James ne me représentent PAS » (The James 6th Floor occupiers do NOT represent me.) Aux dires de son créateur, ce groupe serait la première étape d’un effort de mobilisation pour faire contrepoids aux « radicaux » du mouvement militant MobSquad, créé il y a un an et demi, avec la fermeture du Arch Café.
L’AÉUM, l’instance politique représentant sur papier tous les étudiants du premier cycle de l’Université, a rendu publique sa position sur l’occupation en cours le 10 février, jour du conseil de l’AÉUM. Les conseillers ont eu quelques difficultés à se mettre d’accord sur un énoncé qui puisse représenter l’opinion de tous leurs électeurs. La question de la représentation a ressurgi car certains conseillers se sont sentis interpellés par la notion de « majorité silencieuse », que les opposants à l’occupation prétendent représenter. Carol Fraser, Vice présidente des comités et services, pense que certains politiciens étudiants « ont peur d’être accusés de ne pas représenter leurs électeurs. Ce faisant, ils risquent de ne pas s’apercevoir de la frustration de leur propres électeurs. » Cela les mène dans certains cas à avoir recours à leurs propres moyens pour se faire entendre.
Carol Fraser pense qu’il est important de séparer le groupe « silencieux » –formé par les étudiants qui ne participent pas à la politique étudiante ou aux débats publics– du concept de « majorité ». Les « silencieux » condamneraient peut-être les moyens utilisés par les occupants, comme les quatre présidents des plus grandes associations facultaires (voir encadré ci-contre). En outre, il est possible, comme le note Carol Fraser, que les demandes du #6party soient partagées par cette masse silencieuse, qui n’ose pas s’exprimer car « il est difficile d’exposer une position nuancée dans le contexte actuel ». Une étudiante disant avoir « un groupe d’amis très apathiques » réitère cette affirmation : « La plupart des gens modérés ne sont pas à l’aise dans les forums publics car les voix qui y participent sont souvent très polarisées. »
Plusieurs étudiants n’ont pas apprécié la rhétorique festive de l’occupation. « Le résultat le plus important de notre party a été de créer quelque chose de nouveau, de reconfigurer cette espace,» explique Kevin Paul. Certains participants à l’événement « Our McGill » visant à encourager la discussion collective le lundi 13 janvier, se sentaient inclus dans l’occupation à cause des demandes faites « au nom des étudiants ». Michael Di Grappa écrivait, dans un des MRO du 9 janvier « nous ne pensons pas que ces individus représentent les étudiants. » Pourtant, Kevin Paul affirme qu’ils n’ont jamais prétendu représenter qui que ce soit d’autre qu’eux-mêmes tandis que les membres militants du groupe Facebook écrivent « nous sommes la majorité silencieuse ».
Nadav Slovin, un étudiant engagé, trouve inadmissible que sa voix soit niée au nom de ceux qui ne se prononcent pas. Il dénonce que « Brendan Steven [membre actif du groupe des non-représentés ndlr] ne peut pas parler au nom des 2000 étudiants silencieux. »
McKenzie Kibler dit que son groupe, qui prendra le nom ludique de Mod Squad, va passer à une étape plus active, bien qu’il lui était impossible pour le moment de préciser quelles actions seront entreprises. Certains parlent de former un parti politique étudiant pour les représenter dans les différentes instances politiques étudiantes mais « on en est pas encole là » estime M. Kibler.«On veut peut-être apporter certains changements dans les statuts de l’AÉUM pour arriver à une démocratie plus directe. »
Néanmoins, plus de personnes ont voté lors du référendum de GRIP‑Q/CKUT que lors des élections pour les candidats à l’AÉUM. Pour bien des gens, il est donc difficile de comprendre pourquoi la démocratie au sein du corps étudiants (et non au sein de l’administration) est remise en question. Une chose est sûre, les deux occupations ont réussi à relancer le débat.
Réaction des quatre présidents : nuancée
Les présidents des quatre plus grandes associations facultaires (Art, Science, Gestion et Génie) ont publié une lettre ouverte le deuxième jour de l’occupation pour condamner les moyens utilisés par les occupants ainsi que le fait qu’ils empêchaient toute tentative de résolution du conflit de la part de l’administration. Il est écrit que « En tant que leaders étudiants, nous notons que les tactiques utilisées présentement aliènent une majorité des étudiants à McGill, beaucoup d’entre eux étant d’accord avec le but ultime des occupants, cependant refusent d’autoriser de tels moyens pour y arriver. »
Réaction des diplômés : engagée
Des diplômés qui, dans leur passé universitaire, participaient activement à la politique étudiante, ont réagit à la lettre des quatre présidents. Ils « supportent entièrement la fête du sixième étage » car des actions de ce genre sont un « dernier recours logique quand tout les autres moyens de négociation sont épuisés ». Ils trouvent que les présidents qui ont rédigé la lettre sont « bien naïfs » de penser qu’il y a d’autres moyens efficaces d’engager la conversation avec l’administration et d’influencer les décisions prises unilatéralement. Ils notent aussi qu’il est pratique pour l’administration que le vent de la discorde s’efface avec la fin des études des militants. Finalement, ils critiquent le manque de leadership des présidents étudiants qui nuancent leur position en condamnant les moyens mais pas les buts.
Réaction des groupes syndicaux et étudiants : solidaire
La CLASSE, notamment, a officiellement apporté son soutien aux occupants dans un communiqué paru le 11 février. « Les revendications des étudiantes et des étudiants sont tout ce qu’il y a de plus légitimes. Il est dans la mission de l’université de favoriser le développement de l’esprit critique et l’implication citoyenne », commentait Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole adjoint de la CLASSE. L’occupation du #6party a aussi été appuyée par les syndicats MUNACA, AFPC-Québec et l’AGSEM qui condamnent la réponse de l’administration. Ces derniers associent le déni du référendum étudiant par l’administration avec sa constante attaque à la liberté d’expression. Le 13 février vers midi, un peu plus de 24 heures après l’éviction des occupants du sixième, le syndicat de MUNACA se joignait aux étudiants pour scander son mécontentement vis-à-vis du nouveau protocole énoncé par l’Université McGill. Le président de MUNACA, Kevin Whittaker, soulignait que le manque de communication entre l’administration et les occupants était un dénominateur commun avec les enjeux soulevés par MUNACA lors de la grève de la session dernière.