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Le bonheur derrière soi

Nous étions jeunes encore de Gilles Archambault : un vingt-neuvième roman, une même voix intime qui résonne encore.

Pierre-André a vécu deux trahisons au cours de sa vie. Celle de son ami Maxime, qui lui a dérobé sa femme, Marthe. Puis celle de son amitié avec Maxime, qui l’a laissé dans l’ombre en se taillant dans le spotlight une place de metteur en scène. Exit ces idéaux de jeunesse qui les liaient depuis leurs études en lettres, depuis ce moment où ils se sont mis à rêver ensemble à une grande œuvre.

Dès la première page de Nous étions jeunes encore, tout est joué. Pierre-André apprend d’une voix à la radio la mort de Maxime. Il n’est pas surpris qu’on en parle : Maxime a atteint une renommée internationale, alors que lui s’efface peu à peu, petit écrivain sans velléités de grandeur. Au téléphone, on lui demande un témoignage. Il bafouille, ne sait comment raconter cette amitié, vacillante depuis longtemps déjà. C’est ainsi que commence le roman, qui se déroule comme le témoignage intérieur, tout entier tourné vers le passé, que parvient à livrer Pierre- André une fois le téléphone raccroché.

Nous étions jeunes encore est le vingt-neuvième livre que nous offre Gilles Archambault, un auteur qui demeure malgré tout méconnu du public. Ce n’est pas le roman d’une vieillesse devenue sage, revenant avec un air de bienveillance et un sourire en coin sur les frasques de son enfance. C’est plutôt un roman sur la conscience d’être jeune, la conscience du temps qui passe et des choses qui s’effritent. C’est elle qui habite Pierre-André alors qu’il revisite ses souvenirs tour à tour dans l’appartement de Marthe, qui s’abandonne à son désespoir, et en compagnie de Philippe, un jeune ami journaliste et apprenti romancier.

« Je vis d’avoir vécu », confie Pierre-André. Le bonheur est toujours derrière pour ce personnage attaché à la beauté de la vie, peut-être plus apte à la reconnaître dans son passé que les personnages des romans précédents de Gilles Archambault. Le présent n’existe plus pour Marthe, Philippe et Pierre-André, dont les réminiscences grugent constamment le récit, jusqu’à l’envahir entièrement. Sur ce point, l’écriture d’Archambault est particulièrement efficace, liant à travers la voix intime de son protagoniste les divers temps qu’il traverse.

Le roman élabore un jeu intéressant sur les points de vue, qui oscillent sans cesse entre celui de Pierre-André lorsqu’il est avec Marthe et celui, omniscient, qui relate ses rencontres avec Philippe. C’est toutefois le point de vue d’Éloïse, la fille de Marthe et Pierre-André, qui clôt le roman, comme le retentissement d’un dernier espoir de sortir de l’angoisse sourde qui a saisi ses parents.

Dans ce dernier roman, Gilles Archambault semble au sommet de son art, si telle chose peut se dire d’un écrivain qui est –et c’est là un gage de la profonde sincérité de sa voix– égal à lui-même depuis ses débuts. Nous étions jeunes encore se lit d’un trait, comme un ardent appel à vivre claironné entre les lignes d’un récit simple et émouvant.

Nous étions jeunes encore
Gilles Archambault
Édition du Boréal
19,95$


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