– Une fellation par jour.
– Vous connaissez ma résolution, docteur. J’aime mon mari. Je souffre de voir sa santé se détériorer ainsi. Je n’aime pas beaucoup les fellations, mais là n’est pas la question, puisqu’il faut faire ce qu’il faut faire. Le temps passe, et le désir de plaire se transforme ; docteur, je ne suis plus une jeune femme, pensez-vous vraiment que… est-ce que mon mari guérira ? Peut-être suis-je trop vieille –
Madame Duchamp pencha la tête. Son visage exprimait une certaine douleur.
– Plusieurs femmes font une carrière de ce genre de traitement, continua-t-elle, est-ce que leur contribution ne serait pas plus appropriée, plus agréable ?
– Madame Duchamp, je suis médecin, mais je ne peux prédire le futur. Les chances que votre mari guérisse sont très minces, et ce traitement particulier n’en est qu’un parmi tant d’autres. Il doit être appliqué parallèlement à une diète stricte, ainsi qu’à une consommation de fluides considérablement accrue. Vous seule pouvez voir à ce que votre mari suive avec attention cette prescription complexe.
– Oui, bien sûr, bien sûr. Je comprends parfaitement. Dites-moi encore ce que je peux faire pour lui.
– La fellation est avant tout le moyen le plus fiable. Le flot de sang dirigé vers le phallus permet entre autre de drainer presque complètement le cortex cérébral.
– Oui, évidemment…
– D’autant plus que la pression exercée par les lèvres sur le gland –en prenant pour acquis que le traitement est effectué de manière adéquate– accorde un repos nécessaire aux testicules, sur lesquelles la tumeur applique une pression énorme…
– Pardonnez-moi de vous interrompre docteur, mais il me faut prendre des notes…
– Ce n’est pas la peine madame Duchamp, assura le docteur, en lui prenant la main tendrement, l’hôpital s’est assuré de faire imprimer plusieurs fascicules sur le sujet –il lui tendit deux pamphlets, un rouge et un jaune– pour que vous puissiez administrer un traitement libéré de toute tension.
– Ah, comme c’est bien pensé ! Je vous suis reconnaissante…
Le docteur se mit à marcher d’un bout à l’autre de la chambre. Celle-ci étant de taille plutôt réduite –on n’avait malheureusement pu trouver autre chose pour le mari de madame Duchamp– le pauvre homme ne pouvait faire plus de trois pas, avant d’avoir à faire demi-tour.
– Madame Duchamp, dit-il sévèrement, j’espère de tout mon cœur que vous comprenez la gravité de la situation.
– Oh ! Oui, certainement ! Je…
– Vous comprenez donc que l’incapacité à administrer le traitement de manière quotidienne pourrait accélérer la déchéance de votre mari ?
– Oh ! Oh…
Les yeux humides, madame Duchamp hochait la tête avec assurance.
– Oh, docteur, si vous saviez. Si vous saviez ! Je ferai tout ce qui en mon possible.
– Vous comprenez les implications de ce traitement ?
– Oui, docteur. Oui.
– Avec de la patience, un peu de cœur, s’exclama joyeusement le docteur, votre mari pourrait être rétabli dans aussi peu que quelques mois.
– Ah ! Comme je suis heureuse ! Oui, un peu de patience… Dites-moi docteur, il y a bien longtemps que je n’ai pas… vous comprenez, c’est plutôt délicat…n’y aurait-il pas quelqu’un, une infirmière, un aide, qui pourrait m’aider pour quelques temps ? Je ne voudrais surtout pas être la cause de plus de douleurs… Mon mari est si faible…
- Oui. Oui, certainement. Adressez-vous à Marina, qui s’occupe de la réception pendant les heures de jours. Marina a été une des premières à être formée dans l’administration de ce nouveau traitement ; elle possède également une liste d’aidants naturels qui ont déjà vécu le même processus. Ils pourront vous conseiller. Votre tâche ne sera pas des plus simple, mais dites-vous bien que le personnel de notre unité et moi-même vous comprenons parfaitement. Marina a elle-même été forcée de s’occuper d’un patient qui avait été laissé à lui-même. Ne vous inquiétez pas, vous apprendrez rapidement.
Madame Duchamp sourit, un espoir nouveau au fond des yeux, et se leva pour aller rejoindre son mari qui dormait au fond de la chambre.
– Merci, docteur. Merci du fond du cœur.
– Je vous en prie, madame Duchamp, tout le plaisir est pour moi. Revenez me voir quand bon vous semble. Ma porte est toujours ouverte.
Elle rougit de plaisir, et le docteur sortit de la chambre.