C’est un imposant escadron d’armures flanquées de hautes lances et couronnées de masques démoniaques qui nous accueille dans la salle d’exposition de Samouraïs – prestigieuse collection de Richard Béliveau. Par ces oeuvres d’art et de guerre exposées pour la première fois au public, le musée Pointe-à-Callière lance en grande pompe les célébrations de son vingtième anniversaire.
Les 450 artefacts, que la directrice générale Francine Lelièvre qualifie de « la plus grande collection en son genre », couvrent plus d’un millénaire d’histoire et de culture japonaise. Par une double aubaine, la richesse des pièces est garante de leur exceptionnel état de conservation. Le gros de l’arsenal appartenait à de nobles généraux de l’époque Edo (1600–1868), une ère marquée par l’effervescence artistique et le pacifisme. Après avoir essentiellement servi lors de cérémonies et de parades, les armes nous arrivent pratiquement intactes.
L’esthétisme de l’exposition est époustouflant. Les lames et les armures, issues d’un art oublié que notre science n’arrive pas à émuler, sont confectionnées de matériaux recherchés qui mettaient parfois plus de trois ans à arriver sur l’île du Levant. Selon Richard Béliveau, « Le paradoxe entre force souplesse est peut-être ce qui caractérise le mieux les samouraïs. » Il faut en effet reconnaître la finesse de ces hommes de guerre qui mettaient autant de soin à porter un bol de thé à leur lèvre qu’à lever un sabre au-dessus d’une tête.
L’âme de Samouraïs prend véritablement source dans la passion du propriétaire. Le Dr. Béliveau, que l’on connaît d’abord comme un professeur et un chercheur émérite, a posé son premier acte de collectionneur à quinze ans, par l’achat d’une estampe japonaise. Depuis, il court les ventes des musées en Amérique du Nord et profite de ses voyages professionnels au Japon pour enrichir sa collection. On dit souvent que le trésor d’un collectionneur occupe le centre de sa vie. Est-il dire que Richard Béliveau place son adoration de la civilisation nipponne au-dessus de ses recherches médicales ? Pour le biochimiste, la question ne se pose même pas, puisque tout s’intègre dans une harmonie prescrite par le code moral du bushido : « Il y a un aspect précaire de la vie exprimée par les samouraïs et que je retrouve dans ma vie professionnelle, par la lutte contre le cancer. »
Afin d’exprimer cette totalité, les pièces sélectionnées passent de l’équipement militaire aux effigies du Bouddha, jusqu’à la simple (mais oh combien sophistiquée!) tasse de thé. Ces trois thèmes (Voie du guerrier, Voie du zen et les Voies raffinées) cohabitent assez mal cependant. Au nom de l’accessibilité, on présente de front les armures accompagnées de maigres descriptions qui effleurent à peine la technicité de leur fabrication. Ce n’est que pour les autres objets, relégués à l’arrière-plan, que l’on peut s’offrir une immersion satisfaisante dans la culture du Japon.
Malgré sa profondeur inégale, l’exposition est en mesure d’offrir une expérience marquante à un public large. Qu’en retirera-t-on ? D’après Pierre Nadeau, le forgeron chargé de l’entretien des lames et qui a appris son métier dans l’atelier d’un maître japonais : « Au Québec, on est inspiré, on est sensible, mais on est allergique à la rigueur. La beauté du travail rigoureux, c’est la plus grande leçon que peuvent nous apprendre les Japonais. »
Samouraïs – la prestigieuse collection de Richard Béliveau
Musée Pointe-à-Callière
Du 17 mai 2012 au 31 mars 2013