Le vendredi 21 septembre, la Concertation des Luttes contre l’Exploitation Sexuelle (CLES) organisait la marche « La rue, la nuit, femmes sans peur ». Cet événement s’inscrivait dans le cadre de la Journée internationale d’action contre la violence faite aux femmes. Une quarantaine de participantes ont bravé la pluie ce soir-là pour venir manifester dans les rues du centre-ville de Montréal.
Le concept n’est pas nouveau : « Il est inspiré d’une première marche faite à Bruxelles en 1976 », explique Chantal Isme, organisatrice communautaire à la CLES. « Environ 2 000 femmes venues de cinquante pays différents ont pris la rue ce jour-là pour dénoncer la violence envers les femmes sous toutes ses formes ». Le concept a également son équivalent dans le monde anglophone : « Take Back the Night ». À Montréal la CLES – de concert avec d’autres organismes communautaires tels que la Maison d’Haïti, le Centre d’Aide aux Familles Latino-Américaines (CAFLA) et le Mouvement Contre le Viol et l’Inceste (MCVI) – a relancé l’événement en 2010 après plusieurs années d’interruption.
L’idée est de se réunir entre femmes et de « se réapproprier la rue ». La CLES écrit sur son site Internet que cette marche a pour but de « réclamer le droit de vivre sans la peur de la violence masculine envers les femmes et dénoncer la sexualisation de l’espace public et son rôle dans le maintien de cette violence ».
« La première édition en 2010 avait attiré beaucoup de femmes, et même les médias », rappelle Chantal Isme. 200 à 400 personnes étaient présentes pour manifester. Cette année la pluie en a découragé plus d’une. Selon Stéphanie Charron, responsable des communications à la CLES, « sur les 200 participantes inscrites à l’événement sur Facebook, on en attendait au moins la moitié ». C’était avant de savoir la météo qu’il ferait ce soir-là. Mais les personnes présentes vendredi soir n’en étaient pas pour le moins motivées. « Il y a quand même quelques braves qui sont sorties sous la pluie », a souligné Chantal Isme.
Au début de la soirée, l’idée de faire une marche a été remise en question, mais une participante a souligné l’importance de sortir dans la rue. « J’ai vu des manifestations étudiantes bien plus petites que ça ce printemps. Je pense qu’on est capable de prendre la rue et surtout par jour de pluie, pour montrer que rien ne nous décourage ».
Les manifestantes sont alors parties de la place Émilie-Gamelin et ont marché, escortées par la police. En criant des slogans tels que « contre les publicités sexistes, je refuse et je résiste – contre le patriarcat, je refuse et je me bats » et bien d’autres, elles ont attiré l’attention de plus d’un passant. Quelques femmes sont venues se greffer au cortège en route.
Des hommes ont voulu se joindre au groupe, mais les organisatrices leur ont interdit de les suivre, insistant sur le fait que l’événement, non-mixte, a pour but que les femmes se réapproprient la rue.
Montréal est une ville relativement sûre. Et il faut noter que la situation a bien évolué depuis les années 1970. Mais, lorsqu’une participante écrit avoir été agacée par des hommes « qui la trouvait jolie » en rentrant chez elle le soir de l’événement, on ne peut qu’admettre que la cause est toujours légitime. « On a décidé de reprendre cette tradition parce qu’on s’est dit que c’est une réalité qui existe encore », a insisté Chantal Isme.
Ainsi, cet événement est « un symbole fort, toute une tradition internationale où les femmes décident d’envahir l’espace public pour dénoncer la violence […] et le fait que la nuit [elles ne peuvent pas] vraiment circuler en toute tranquillité ». Les organisatrices espéreraient certes plus de visibilité, mais en même temps, toutes les femmes présentes ce soir-là souhaitent que « ce symbole reste et perdure jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de violence ».
La journée d’action contre la violence sexuelle faite aux femmes se déroule chaque année le troisième vendredi du mois de septembre.