Bien plus que d’être une série de court-métrages sur le thème de la paix, la projection Films4Peace est avant tout un concept unique. Tout se passe au Centre PHI, un endroit hors du temps, caché au milieu des rues sinueuses du Vieux-Montréal. Une fois dedans, j’entre par la petite porte noire du fond ; l’isolement me semble quasi-total, comme si j’étais lovée au creux des vieilles pierres du quartier. La salle est assez étroite, les sièges en cuir sont hauts et sans dossier. Les films tournent en boucle et durent parfois quelques secondes, tout au plus quelques minutes. Clairement, nous ne sommes pas dans un cinéma classique en face d’un quelconque blockbuster. Mais l’atmosphère a ce je ne sais quoi d’intimiste et charmant qui donne envie de rester un instant. Derrière, au même niveau que les spectateurs, on peut apercevoir le projectionniste s’affairer à la tâche.
Les gens vont et viennent constamment. Ils s’assoient pour cinq ou six films, parfois un peu plus, puis repartent. Qu’importe ; après tout, la projection est gratuite et diffusée en continu. Les discussions à voix basse vont bon train, les interprétations aussi. En effet, la brièveté de chaque film laisse une image forte et énigmatique au spectateur. Au total, dix-sept court-métrages s’enchaînent, montrant tour à tour une facette différente de la notion de paix. Et pour cause : PumaPeace, initiateur de l’événement, a pris le soin de sélectionner des réalisateurs de divers styles, nationalités, âges, formations et préférences. Le mot « paix » prend un sens très large : l’artiste française Magalie Charrier y voit une lutte interne en mettant en scène son propre corps remuant au rythme de taches d’encre qui se mêlent et se démêlent de sa silhouette, tandis que Nandipha Mntambo, originaire du Swaziland, le représente comme la cohésion d’un groupe d’oiseaux volant au loin.
Tous ces films qui défilent très vite devant mes yeux me surprennent énormément. Je m’attendais à un hymne au pacifisme, à des images de guerre ou du moins à une forme d’engagement de la part des artistes, mais il n’en est rien. Le corps et l’espace sont les deux grands sujets abordés dans cette série, comme si la paix passait non pas par l’action, mais par une sorte d’harmonie passive, à la fois interne et externe. Un court-métrage m’interpelle ; c’est celui du jeune britannique Bill Porter, réalisateur d’une très belle animation à l’aquarelle représentant un combat de boxe. Au milieu des violents coups échangés, des cris de rage de la foule et de la confusion des adversaires à bout de souffle, un bref moment de paix surgit : les deux boxeurs se reposent l’un contre l’autre, n’entendent ni la foule, ni l’arbitre. Pendant ce furtif instant, ni rage ni violence ; seulement le repos, le corps à corps bienveillant qui soutient et qui rassure. Puis le combat reprend, le tapage du public aussi. En sortant de Films4Peace, au fond, je ressentais un peu la même chose : l’ambiance intimiste et calme de la salle de projection ressemblait à un de ces moments de paix qui arrivent au milieu du tumulte de la ville.