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Amélie Poirier se dévoile à la Chapelle

Mathieu Jedrazak brise les normes de l’œuvre théâtrale dans La Jeune fille et la Morve.

Lorsque deux artistes multidisciplinaires se rencontrent. Lorsque le destin tragique d’enfants issus de l’ombre, des interprètes amateurs se croisent. Lorsque la friction de frêles corps et d’esprits tourmentés se parle.

Mathieu Jedrazak et Amélie Poirier se connaisient. Ça se voit et ça se sent dans la pièce La jeune fille et la morve présentée au Théâtre La Chapelle. Le premier est soliste, homme de théâtre et musicien. La deuxième a pratiqué la danse classique pendant dix ans, en plus d’étudier le théâtre et l’art de la marionnette.

Amis ? Vrai. Mais surtout, êtres en proie au même quotidien et au même supplice. Il a alors été facile pour eux de travailler ensemble et de créer, avec peu de moyens, une pièce de danse et de théâtre qui dérange.

En regardant le parcours de Mathieu Jedrasak, on comprend pourquoi il est un metteur en scène de talent qui, dans les circonstances, a su exploiter toute la tristesse dans l’âme de sa complice. On traite ainsi de troubles psychologiques, du désespoir d’être, celui qui met en valeur les autres, et du milieu artistique pas toujours facile ; rarement en fait.

Le résultat surprend. Si l’œuvre tombe âprement dans la caricature en première partie, caricature d’un monde présenté comme ignoble, on sent la nécessité, autant pour l’un que pour l’autre, de s’évader, de changer de peau, de changer de vie. L’interprète, Amélie Poirier, le dit elle-même en parlant de cette volonté de ne pas être née, de ne pas avoir vu le jour pour être si normale, si correcte, si médiocre. Le regard de l’autre, du spectateur, est tellement cuisant. Alors, on se met à nu, pour vrai, dans l’atrocité de la chair que l’on porte. On enlève le tutu pour révéler nos défauts et demander à l’Autre, avec prudence, de nous accepter comme on est. Il y a la mort, certes, pourtant on présente aussi son remède.

Une mise en scène efficace qui, parfois, manque de maturité, mais certainement pas d’authenticité. Oui, une pièce injectée de cette authenticité qui fait du bien, puisqu’elle est bien trop rare dans ce milieu. Ainsi, on ne peut reprocher aux créateurs de vouloir ; d’y mettre du leur entre ces quatre murs, pour un instant, et de dire. Sur une note plus négative, il est possible de leur reprocher de tomber dans la facilité en ayant recours abusivement au processus explicatif des symboles mis en avant dans la pièce. Mais le cœur pardonne ce qu’il comprend.


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