Christopher P. Manfredi a rendu public au début du mois d’octobre son rapport sur la libre expression et l’assemblée pacifique à McGill. Dans ce document, le Doyen des Arts propose une synthèse du forum ouvert organisé à la session dernière et livre trois recommandations.
Rappel des faits
Suite à l’occupation du cinquième étage de l’édifice James et aux émeutes du 10 novembre 2011, la principale de McGill Heather Munroe-Blum avait confié au Doyen de la Faculté de Droit, Daniel Jutras, la tâche de mener une enquête et de livrer un rapport sur les événements. Une des suggestions formulées par le Doyen Jutras dans son rapport soumis en décembre 2011 était l’organisation d’un forum ouvert sur la libre expression. « Les autorités de l’Université devraient organiser un forum ouvert à tous les membres de la communauté universitaire et y participer, afin de discuter de la signification et de la portée des droits à la libre expression et aux réunions pacifiques sur le campus », écrit Daniel Jutras dans le document.
Heather Munroe-Blum charge alors le professeur Christopher Manfredi d’organiser le forum. La première d’une série de quatre assemblées publiques sur la question est tenue le 1er mars 2012. Deux mois plus tard, le 4 mai, un symposium vient conclure l’événement.
Synthèse
Dans son rapport, Christopher Manfredi fait la synthèse de ce qui a été dit lors des différentes activités du forum ouvert et rappelle les problèmes essentiels et points-clés identifiés par les participants. « Je m’efforce de présenter un compte rendu fidèle des différents points de vue exprimés pendant les séances du forum ouvert ; d’établir un contexte comparatif en vue de discussions et de mesures futures dans ce domaine ; et d’orienter l’administration et les organismes dirigeants de l’Université sur les mesures à prendre », écrit-il en page 5.
Le Doyen Manfredi explique tout d’abord sa démarche de comparaison entre différentes universités nord-américaines sur la question de la libre expression et de l’assemblée pacifique. De cette analyse comparative, le Doyen tire la conclusion suivante : il est courant pour les universités d’interdire la perturbation des activités normales d’une université. Il est aussi pratique courante d’interdire aux étudiants ou à d’autres gens d’entrer ou de demeurer sur des lieux du campus où ils n’ont normalement pas accès. « En résumé, l’université définit des limites aux droits à l’assemblée et à l’expression. Les assemblées et les manifestations doivent être ‘‘pacifiques’’ et ‘‘légales’’».
Au sujet de la libre expression plus spécifiquement, Christopher Manfredi explique que les discussions ont notamment porté sur les activités reliées à ce thème plutôt que sur la libre expression en soi. La détermination des limites à la libre expression était au cœur du débat.
À propos de l’assemblée pacifique, les participants aux séances de discussion ont identifié plusieurs thèmes à prendre en considération. La question de la délimitation de lieux dédiés à l’assemblée pacifique a été débattue. Un autre point portait sur la nature de l’espace universitaire. Il a été rappelé que le campus est, dans un sens légal, une propriété privée et le public y circule librement sur invitation, sans droits illimités.
Le Doyen rappelle également trois grandes critiques formulées par des participants au forum. Ces critiques concernent le problème de réactivité des organes de gouvernance de McGill et de prise en compte des opinions dissidentes. Plusieurs autres critiques concernent la représentation. Des participants ont dénoncé le manque de représentation étudiante au sein des plus hauts organes de l’administration, entre autre au Conseil d’Administration. Le manque d’efficacité et de transparence de l’administration ont également été citées comme problèmes à traiter.
Satisfaction
Dans un courriel au Délit, Christopher Manfredi exprime sa satisfaction quant à l’organisation de ce forum et au processus qui a suivi. Il écrit dans son rapport que « le forum de discussion a réuni différents membres de la communauté universitaire – étudiants, faculté, personnel non enseignant et haute direction ». Les commentaires ont été selon lui « d’une qualité extraordinaire ».
Haley Dinel, VP aux Affaires Universitaires à l’AÉUM, était l’année dernière dans le groupe consultatif pour l’événement. Elle se dit « satisfaite » de ce rapport. « J’ai participé à presque toutes les assemblées publiques et le document reflète réellement ce qui a été dit. En particulier […] le rapport souligne les problèmes-clé auxquels il faut trouver une solution ». « Ce rapport est certainement un bon premier pas ».
Trois recommandations
Dans son rapport, le Doyen Manfredi propose trois recommandations. La principale Heather Munroe-Blum a accepté ces trois recommandations et a déclaré au Sénat mercredi dernier qu’elle apporterait à la communauté mcgilloise d’ici le 23 novembre prochain davantage d’informations sur les prochaines étapes.
La première recommandation de Christopher Manfredi concerne la révision du Code de conduite de l’étudiant, qui devra « être clarifié en regard des articles 5, 6, et 10 intitulés Perturbation, entrée et présence sans autorisation et Utilisation, sans autorisation ou en fraude, des installations, du matériel et des services de l’Université ».
Le Bureau du Doyen des Étudiants sera un des principaux acteurs pour l’exécution de cette recommandation. En entrevue avec Le Délit, la Doyenne des Étudiants par interim, Linda Jacobs Starkey, a expliqué que le code est déjà en processus de révision depuis plusieurs années. « En 2008, la Doyenne des Étudiants Jane Everett et moi-même avons commencé à rassembler des commentaires et des informations pour la révision du Code. Au début, le processus était plutôt informel. Puis, en 2009, Jane Everett a formé le Groupe de Pilotage pour la Révision du Code (Code Revision Steering Group)». « Le dernier amendement au Code remonte à 2006, donc c’est un bon moment pour avoir une révision ».
En mars dernier, le Bureau du Doyen des Étudiants a décidé d’attendre la fin du forum ouvert pour entreprendre la réforme, en particulier des articles 5, 6, et 10, mentionnée par le Doyen Manfredi. « Maintenant que le rapport Manfredi est sorti, nous allons continuer à travailler avec le Groupe de pilotage et nous allons être plus attentifs aux recommandations du Doyen », explique Linda Starkey. Elle ajoute : « nous espérons pouvoir proposer une révision du Code au Sénat au début de l’année 2013 et d’ici la fin de l’année scolaire, la réforme devrait revenir au Sénat et être adoptée ». Sur ce projet, le Bureau travaille et continuera de travailler en étroite collaboration avec Lydia White, Principale Associée aux Politiques, Procédures et Équité. Lydia White est principalement chargée de travailler avec le personnel non-enseignant de l’université. « Étant donné que le contenu de ce rapport s’applique à la fois aux étudiants, aux facultés et au personnel, nos mandats se rejoignent », explique la Doyenne Linda Starkey.
La deuxième recommandation du Doyen Manfredi porte sur le Protocole James. Le Protocole « devrait être révisé ou reconsidéré afin d’adopter une approche moins restrictive relativement à l’accès et à la sécurité ». Ce Protocole, décrété après l’occupation du 6ème étage du bâtiment James en février 2012, rendait l’accès à l’édifice James très difficile et hautement surveillé. Il avait été critiqué parce qu’il semblait exacerber le sentiment de « séparation » entre étudiants et administration, et parce qu’il semblait traiter tous les visiteurs de l’édifice James comme « possibles menaces ». Le Doyen Manfredi propose en particulier d’abandonner l’idée d’accès sur carte et de ne plus avoir de gardien de sécurité à l’entrée du bâtiment.
Enfin Christopher Manfredi propose comme troisième recommandation que « les services de sécurité de McGill [revoient] leur programme de formation des employés permanents et temporaires afin d’assurer l’exactitude et l’intégrité des rapports en cas d’incident et de mesures disciplinaires. »
Implication des étudiants ?
Comment les étudiants pourront-il s’impliquer dans la suite du processus ? Étant donné le peu de participation étudiante aux forums sur la libre expression et l’assemblée pacifique l’année dernière, on peut se demander s’ils s’impliqueront réellement davantage dans le processus.
Le Doyen Manfredi semble être confiant. Il dit au Délit être « certain que tous ceux qui seront impliqués dans l’exécution de ces mesures chercheront à travailler avec les étudiants chaque fois que ce sera nécessaire ».
Haley Dinel et le Président de l’AÉUM Josh Redel étaient tous deux représentants étudiants dans le groupe consultatif du forum ouvert. Haley Dinel explique : « à travers nos positions d’exécutifs [à l’AÉUM], nous continuerons de nous assurer que l’Université répond bien aux demandes formulées ». Elle ajoute : « Les étudiants doivent lire le rapport et envoyer leurs commentaires à travers le site Internet du forum ».
Selon la Doyenne Linda Starkey, les étudiants sont déjà impliqués dans le processus de révision du Code de Conduite. « On a des étudiants qui sont membres du comité sur la discipline étudiante ». Les ébauches de révision du code sont traitées par ce comité. « On a aussi des étudiants dans le Groupe de pilotage pour la révision du Code, représentants des quatre grandes associations étudiantes. Et, bien sûr, certains étudiants sont impliqués au Sénat ».
La situation devrait être clarifiée le 23 novembre prochain.
Vous pouvez accéder au rapport Manfredi à l’adresse internet suivante : http://blogs.mcgill.ca/openforum-expression/