La place des homosexuels dans la société a toujours animé de nombreux débats. Présente à tous les moments de notre histoire, autant chez les Grecs, les Romains que les Américains, l’homosexualité en a vu de toutes les couleurs. Qualifiée de maladie par les uns, de péché ou d’abomination par les autres, et même de « mauvaise orientation de l’affectivité » par la Fédération Protestante de France, il faut tout de même rappeler qu’elle a longtemps été acceptée. Dans l’Antiquité les relations interpersonnelles étaient considérées non pas en vertu des critères biologiques homme-femme, mais plutôt selon la structure sociale et la capacité d’accéder à un plaisir charnel partagé. La construction sociale de la place des genres en parallèle à l’opposition formelle de la majorité des grandes écoles de pensée religieuse ont eu tôt fait de rendre le sujet tabou.
Depuis quelques décennies, la majorité des grands pouvoir occidentaux se targuent d’avoir fait un grand pas au niveau des droits de l’homme. La parité des sexes est presque atteinte, le fameux « separate but equal » américain n’existe plus et les homosexuels n’ont plus besoin de se cacher pour s’aimer. Mais est-ce vraiment le cas ou simplement de l’hypocrisie ?
Bien que le mariage homosexuel soit légal dans plusieurs provinces canadiennes depuis bientôt dix ans et sur l’ensemble du territoire canadien depuis 2005, il ne s’agit pas là d’une norme à laquelle se conforment bien des États. Seulement 13 pays ont actuellement adopté des lois légalisant le mariage gai et dans certains de ceux-ci la situation semble quelque peu bancale.
Une durabilité du statu quo difficile
En janvier 2012, les membres de l’opposition officielle fédérale ont craint un retour en arrière de la part du premier ministre Steven Harper. Effectivement, bien qu’il ait affirmé lors de sa dernière campagne électorale qu’il ne remettrait pas en cause la légalité du mariage homosexuel et de l’avortement, l’enjeu a refait surface quant au sort réservé au mariage égalitaire lorsque le divorce a été refusé à deux femmes. Le premier ministre canadien a cependant confirmé, lorsque Le Devoir lui a fait part des craintes émises par l’opposition, qu’il ne rouvrirait pas le dossier du mariage homosexuel. Il reste sur la position du gouvernement bien qu’il s’y soit originellement opposé lors de l’adoption du projet de loi C‑38 qui officiellement légalisait le mariage gai pour l’ensemble du Canada en 2005.
Parallèlement, bien que très peu de Canadiens se diront ouvertement homophobes et que la grande majorité d’entre eux tentent d’éviter le plus possible l’utilisation d’expression comme « c’est tellement gai » ou encore « t’es fif » afin d’établir un espace sécuritaire, pour les homosexuels, cela révèle-t-il une réelle conviction ou des paroles en l’air pour avoir la conscience tranquille ? Nous vivons encore malheureusement dans une société ou le « oui, mais pas dans ma cours » prône.
Et, en effet, la question est récemment ressurgie dans deux pays : la France et les États-Unis.
Forte opposition au mariage égalitaire
En France, l’opposition au mariage homosexuel est revenue en force à la suite du dépôt d’un projet de loi qui permettrait de légaliser le mariage entre deux personnes de même sexe. La décision du gouvernement de discuter de ce sujet de façon exclusivement parlementaire n’a pas plu à tous et nombreux sont ceux qui se sont levés pour manifester. Malheureusement, seulement un des camps fut réellement représenté dans les rues françaises dans les dernières semaines. Groupes religieux et extrême droite française se sont rassemblés à de nombreuses reprises afin de démontrer leur opposition à la loi et réaffirmer le besoin d’avoir un père et une mère pour chaque enfant. Le samedi 17 novembre 2012, entre 100 000 et 200 000 manifestants se sont rassemblés dans les rues des plus grandes villes de France. D’autres manifestations sont prévues pour le 8 décembre. Pour une société qui se dit tolérante cela me semble bien contradictoire.
Tout de même une petite lumière
Le 6 novembre 2012, la communauté homosexuelle et tous ceux qui la supportent ont cependant pu se réjouir. Les États-Unis, qui sont depuis longtemps un des bastions de l’opposition au mariage entre personnes du même sexe, ont vécu un retournement de situation impressionnant. Alors que des référendums avaient rendu le mariage homosexuel illégal dans le passé, la situation a commencé à changer en 2012 alors que l’état du Minnesota s’est positionné à 51% contre une constitutionnalisation de l’interdiction du mariage égalitaire. Quelques semaines plus tard, le vice-président Joe Biden a fait une déclaration à la presse à la Maison Blanche, se disant«absolument confortable avec le fait que les hommes mariant des hommes, les femmes mariant des femmes et les hommes hétérosexuels mariant des femmes hétérosexuelles aient accès aux même droits ». Barack Obama a suivi son vice-président et a créé une vague sans précédent de soutient à la cause homosexuelle. Finalement, le 6 novembre, on a assisté à une légalisation du mariage homosexuel dans trois états, grâce à un référendum de l’opinion publique. Cela démontre l’importante évolution des mentalités des citoyens de ces états.
Désillusion au sein de la communauté homosexuelle
Au sein même de la communauté homosexuelle les opinions sont mitigées face à l’adoption du mariage pour tous. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, tous n’y sont pas totalement favorables, mais pas exactement de la manière dont nous pourrions l’imaginer. Effectivement, comme l’explique Claire Young, professeure de droit à l’Université de Colombie-Britannique, dans son article Loosing the Feminist Voice : Debates on the Legal Recognition of the Same-Sex Partnerships in Canada de nombreux problèmes sont soulevés par le mariage ; notamment l’adoption d’un mode de vie hétéro-normatif. En effet, cela amplifierait la marginalisation de couples homosexuels qui prennent la décision de ne pas se marier. Mariana Valverde, professeure de criminologie à l’Université de Toronto, pense plutôt que le mariage homosexuel ne peut pas être considérés comme étant différents. Elle le définit comme un mariage traditionnel avec, comme seule différence, deux personnes du même sexe.
L’enjeu principal dans ce débat reste une question de droit et de discrimination. La problématique l’entourant est bien plus importante que la possibilité d’obtenir un simple papier statuant deux personnes comme étant légalement unies et économiquement reliées l’une à l’autre. Il s’agit de permettre à tous, sans considération de leur religion, orientation sexuelle, culture ou race d’avoir accès à un droit, qui, bien qu’il ne soit pas un besoin fondamental, reste un droit et non un privilège.