Depuis 1965 il est au cinéma français ce qu’Albert Einstein fut à la physique. Plus qu’une star, il incarne la France dans son ensemble : sa culture, ses secrets, ses mœurs, son charme. Notre Gérard national a été couvert de prix : des Césars et un prix d’interpétation au festival de Cannes, en France, une nomination à la cérémonie des Oscars, Chevalier de la Légion d’Honneur…
Aujourd’hui, devant le regard incrédule de l’opinion publique, Gérard Depardieu quitte son pays natal, en rage contre le risque d’une forte hausse du taux de l’impôt sur le revenu. Il préfère s’installer en Belgique où la fiscalité avantageuse est plus réputée que les beaux paysages.
Quelques mètres symboliques
L’élection de François Hollande à la présidence de la République en a empêché plus d’un de dormir. Durant la campagne, le candidat annonce que tout Français gagnant plus d’un million d’euros (1.3 millions de dollars) par an sera taxé à 75% de ses revenus. La droite s’étrangle, les riches tournent de l’œil, mais Depardieu ne perd pas pied : rester dans un pays qui « considère que le succès [et] le talent […] doivent être sanctionnés » ? Jamais ! Épris d’une haine contre un gouvernement qui «[pénalise] ceux qui réussissent », il décide de se défaire de sa nationalité française, puis s’installe en Belgique, à seulement un kilomètre des frontières. La scène politique subit alors un vrai raz-de-marée : la droite dit partager « le sentiment d’écœurement » avec Depardieu et voit l’impôt comme une « confiscation des revenus ». La gauche, en revanche, parle d’une « déchéance personnelle » ainsi que d’un acte « minable ». Tandis que les tons montent et que l’Élysée essaye tant bien que mal de prôner l’indifférence, le raz-de-marée fait place à un tsunami : Vladimir Poutine, président de la Russie, offre à l’acteur la nationalité Russe et lui propose le poste de Ministre de la Culture de Mordovie.
Personne ne s’y attendait. Soudain, tous les Français se retournent contre lui, clamant que son départ n’est qu’une fuite lâche et basse. Même l’opposition au gouvernement retourne sa veste et va à l’encontre du choix de l’acteur : « Il y a ceux qui peuvent partir et ceux qui ne peuvent pas », lance Marine le Pen, présidente du parti d’extrême droite Front National (FN).
Une réaction similaire semble résonner dans les couloirs de McGill. Les étudiants français se disent dans l’ensemble « déçus » qu’une telle icône du pays parte pour de simples intérêts personnels. Aliaume, élève de première année originaire de Bordeaux, considère cette affaire comme « insignifiante » bien que « moralement parlant, [Depardieu] n’est pas correct ».
Néanmoins, il semble que la taxation à 75% soit le motif principal pour le départ des Français les plus fortunés ; alors, à qui la faute ? À un gouvernement que certains qualifient de communiste, prenant les riches comme ennemi numéro un ? Ou à une poignée d’acteurs, d’entrepreneurs et de bureaucrates qui fuient les taxes françaises pour garder leur butin indemne sans se soucier de la solidarité fiscale ? Si le débat est ouvert et risque de marquer les esprits, une chose est certaine : il n’y aura plus d’Astérix et Obélix sur grand écran pour un long moment.