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Le PQ perd le nord

Deux jours de manifestations contre le Plan Nord se sont soldées par trente-six arrestations face au Palais des congrès de Montréal ce week-end. Un retour dans le passé, le temps de quelques heures, jusqu’à la première série de manifestations de deux jours en avril dernier. La seule différence était un nombre moins important de manifestants et un changement de pilote à la barre de l’exploitation industrielle au Nord du 49e parallèle.
C’était sensiblement le même salon que l’année dernière, et les débats tournaient autour du même sujet, tout en prenant soin de se dissocier du « Plan Nord » de Charest en le remplaçant par un salon des « ressources naturelles ».C’est à se demander ce qui a changé depuis la transition au gouvernement péquiste, et si cette transition ne se résume pas à trois mots lors d’un discours d’inauguration mouvementée où l’on ne parle plus de Plan Nord, mais de « Nord pour tous ».

Même projet, nom différent – c’est le message que les manifestants ont voulu faire passer à la population.

Le même projet, étalé sur 25 ans, intégrerait 80 milliards de dollars en financement de partenariat public et privé. Le projet reste vague sur les protections environnementales qui seront mises en place et n’assure aucune redevance à la population québécoise. Le territoire aussi demeure le même, couvre plus de 70% du Québec et exploite des terres de villages autochtones.

Territoire autochtone
Premièrement, de quel droit le gouvernement se permet-il de planifier quoi que ce soit sur un territoire qui n’est pas libre de droits ? Les nations autochtones du Québec ont été, pour la plupart, exclues de l’élaboration du plan d’exploitation. Pourtant, des 120 000 personnes habitant dans la région touchée, 30 000 sont d’origine autochtone.

Le territoire convoité par le Plan Nord fait, en partie, l’objet de la Convention de la Baie James et du Nord-Est québécois, mais certaines portions portent toujours un titre autochtone. Par exemple, si les Cris ont signé la Convention, les Innus, de leur côté, n’ont signé aucun traité.

Avant même de parler d’exploration ou d’exploitation des ressources dans le Nord, des consultations et un consensus des 11 nations autochtones sont de mise.

Environnement
Deuxièmement, on ne sait toujours pas quelle proportion du territoire au nord du 49e parallèle sera protégée de toute activité minière. Les associations environnementales tirent la sonnette d’alarme. Dans une pétition déposée à l’Assemblée Nationale, Green Peace Canada exige du gouvernement provincial « le gel du Plan Nord ».

Mis à part l’impact environnemental non négligeable de toute exploitation minière sur l’eau, la terre et la bio-diversité, le projet d’exploitation du Nord aura aussi des impacts moins connus par les québécois : la population de caribous forestiers sera par exemple mise en péril.

Une étude commandée par le gouvernement du Québec et remise au ministre des Ressources naturelles et de la Faune et au Grand Conseil  des Cris  (Eeyou  Istchee) conclut que le prolongement de la route 167  « réduira de beaucoup  la connectivité fonctionnelle du  paysage et, de ce fait, la résilience des populations,  en  plus de promouvoir  des  conditions qui  favorisent le  déclin  des  populations » et recommande donc « d’éviter tout développement anthropique  supplémentaire ».

Redevances

Troisièmement, le gouvernement compte exploiter les ressources du Nord sans qu’un système de redevances, qui redonnerait une juste part des profits de l’exploitation au peuple québécois, ne soit mis en place.

La loi sur les mines du Québec fait des sociétés minières les propriétaires du sous-sol et, en 2011, la moitié des sociétés exploitantes au Québec n’ont pas payé d’impôt minier.

Lors de sa campagne électorale, Madame Marois, première ministre du Québec, avait promis la mise en place d’une redevance minimale obligatoire de cinq pour cent sur la valeur brute de production des ressources extraites, et d’une taxe de 30 pour cent sur le « sur-profit ». Mais depuis les élections, la position péquiste n’est pas claire. Les chiffres de la plate-forme ne semblent plus être d’actualité, alors que la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, parle maintenant d’ « ouvert[ure] sur les modalités ».

« C’est une position de départ. Nous sommes très ouverts à des discussions sur le sujet », ajoute-t-elle en entrevue au journal Les Affaires.

La création d’emplois, les retombées économiques pour certaines entreprises québécoises, la protection de 50 % des territoires contre toute activité minière ou énergétique et la plantation de 100 millions d’arbres ne sont pas un contre-poids suffisant au manque de redevances, à l’exploitation sous-réglementée et au manque de conventions avec les Premières nations.

Avant que ces trois conditions ne soient remplies, le Plan Nord reste un projet colonialiste.


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