Peut-on arrêter des manifestants pour entrave au code de la sécurité routière ?
C’est la question posée lors du procès des 238 arrêtés de la manifestation du 15 mars 2011 organisée par le Comité Opposé à la Brutalité Policière (COBP).
Le soir du 15 mars, le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) avait procédé à des arrestations de masse après que la manifestation eut dégénéré. La plupart des personnes arrêtées s’étaient vues remettre une amende de 438 dollars.
Le COBP et la Ligue des droits et libertés contestent l’utilisation de l’article 500.1 du code de la sécurité routière dans le cas de manifestations – une atteinte à la Charte des droits et libertés selon eux.
Cet article de loi interdit « d’entraver de quelque manière la circulation des véhicules [ainsi que] la circulation » lors d’une action « concertée » sauf dans le cas de manifestation si celle-ci a été préalablement autorisée – ce qui ne fut pas le cas à plusieurs reprises durant le Printemps érable. Pour une telle infraction, les amendes peuvent aller de 350 à 1050 dollars, et en cas de récidive de 3500 à 10500 dollars. Son application dans des manifestations est rarissime : des arrestations ont été faites seulement à huit reprises, pour un total de 682 contraventions entre le 15 mars et le 19 avril 2012.
« À la base, le droit de manifester fait en sorte qu’on devrait avoir le droit de prendre la rue sans l’obligation que les policiers aient le trajet », explique Étienne Poitras, un des avocats de la défense.
« Comme l’article 500.1 est un règlement très large, qui laisse beaucoup de place à l’interprétation, nous demandons à ce que cela ne soit pas appliqué en cas de manifestations », explique Sandy, affiliée au COBP, qui défend chaque année les personnes arrêtées lors de la manifestation du 15 mars.
« Une manifestation bloque la rue [par définition], donc ça rend[rait] toute manifestation illégale ? », demande un protestataire en colère.
Même son de cloche chez le professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval, Louis-Philippe Lampron : « Même si le fait que la manifestation ralentisse la circulation, […] on ne peut pas faire primer une disposition législative sur la constitution », explique-t-il.
C’est à la défense de prouver dans un premier temps qu’il y a violation d’un droit protégé par la Charte – droit d’association, de réunion pacifique ou expression par exemple. La Couronne doit ensuite mettre ses preuves sur la table et prouver que la violation n’en est pas une.
Si le juge confirme que les droits des manifestants sont bafoués, un choix s’offre à lui : déclarer l’article 500.1 anticonstitutionnel ou déclarer son application lors de manifestations contraire à la Charte.
Après avoir entendu un professeur de sociologie de l’Université McGill, Marcos Ancelovici, en tant que témoin expert pour la défense, sur le rôle des manifestations dans notre société, c’était au tour de la Couronne de présenter ses témoins et preuves lundi. La cour a visionné plusieurs heures de vidéos prises par l’hélicoptère de la Sécurité du Québec lors de la manifestation.
Les audiences, qui vont être suspendues la semaine prochaine pour reprendre en octobre prochain, surviennent à quelques semaines de la manifestation annuelle du COBP.
Le procès continue.