Blacklisted : c’est le thème de cette 7e édition de Fokus, le seul festival du film de l’Université McGill, présenté cette semaine par TV McGill (TVM). Le festival veut ainsi rendre hommage aux réalisateurs américains bannis ou censurés pendant la Peur Rouge des années 1940 et 1950 et soupçonnés d’être associés au Parti Communiste.
À cette occasion, Salt of the Earth sera projeté mercredi le 20 mars. Le film, réalisé par Herbert J. Bieberman et Michael Wilson qui ont tous deux été mis sur la liste noire, sera suivi d’une discussion animée par Ara Osterweil, professeure au département d’Anglais à McGill.
À part cette projection, les courts-métrages d’élèves sélectionnés pour être projetés pendant le festival sont très éclectiques et se rapportent peu –voire pas du tout– au thème. Molly Bower, Vice présidente aux affaires externes de TVM et directrice du festival, précise dans une entrevue avec Le Délit que « le thème se veut plus un moyen d’explorer un des aspects de l’histoire du cinéma. Les étudiants peuvent soumettre des courts-métrages très éloignés du thème ; l’idée est de tous nous rassembler autour d’une idée commune et d’une volonté de promouvoir le cinéma à McGill ».
Un travail mcgillois
En avant-première, Le Délit a pu assister à la projection de quelques uns des films d’étudiants qui seront projetés au Cinéma du Parc jeudi le 21 mars. Quatre catégories sont représentées : fiction, film expérimental, animation et documentaire, et certaines bonnes idées et trouvailles sont déjà à relever. Marisa Claire W.: Scientist, inventor, amateur photographer, travel enthusiast, réalisé par Patrick Fecher, est surprenant visuellement. L’utilisation d’une caméra 16 millimètres, du muet et du noir et blanc renforce l’effet loufoque et un peu émouvant de l’histoire de cette petite fille qui voyage à différents endroits dans une boîte en carton.
Dans la catégorie film expérimental, Ruffle, d’Alexander Kasstan, se veut une recherche visuelle et sonore et explore les possibilités des effets spéciaux : ce court-métrage aux images et à la musique saccadées donnerait presque le tournis, si la netteté et la précision des effets visuels ne parvenaient à rattraper de justesse la brutalité des couleurs, des mouvements et des sons.
Fokus est un festival typiquement mcgillois : outre le fait que le festival est entièrement organisé par TVM, les courts-métrages sont souvent des travaux d’équipes. Salon Carmen, film d’Alexander Cherney, a ainsi pour bande originale des chansons du groupe Bodyshake, composé d’étudiants.
La plupart des acteurs sont des amis, des connaissances des réalisateurs, et le tournage des films permet de resserrer les liens de la communauté étudiante. Pour TVM, le festival veut aussi créer un engouement dans l’ensemble de l’université.
Fatal Occupation de Sarah Leitner, Hannah O’Rear et Emma Baker a été entièrement filmé dans l’université. Pendant le Printemps Érable, un garde tue des étudiants : à partir d’un script simple, les réalisatrices ont voulu faire un film d’horreur dans un contexte social particulier « mais sans prendre aucun parti politique », expliquent-elles dans une entrevue avec Le Délit. Si cette affirmation peut fortement être remise en cause, le court-métrage offre quelques plans intéressants de l’université, notamment une course poursuite dans le fameux couloir reliant McLennan au Bâtiment des Arts.
Le cinéma à McGill
Le festival semble montrer qu’une certaine effervescence cinématographique existe bel et bien à l’université. TVM ouvre la voie et permet aux jeunes réalisateurs de perfectionner leur travail et d’apprendre le métier. Si la plupart des réalisateurs trouvent les fonds nécessaires à leur travail dans leurs réseaux personnels, TVM leur fournit du matériel de tournage et de montage perfectionnés. Sarah Leitner explique avec enthousiasme que TVM est « un excellent moyen d’apprendre le travail de la production de film à McGill ».
C’est d’ailleurs peut-être le seul moyen, car si McGill a un département de Cinéma du Monde, celui-ci se concentre sur une approche purement théorique du cinéma. Il n’est pas possible d’apprendre ni la production ni la réalisation, ce que propose pourtant l’Université Concordia, qui offre un programme de cinéma complet. Pour Molly Bower, « il y a de la place, de l’envie et de la motivation pour la création d’un tel département à McGill ».
Cependant, elle se montre un peu pessimiste sur la possible création du département : « Je ne pense pas que ça puisse arriver maintenant, vu l’état de la Faculté des Arts », dit-elle dans une entrevue avec Le Délit, évoquant les récentes coupes budgétaires et la suppression de cours et de postes d’Auxiliaires d’Enseignement (TAs).
Le festival Fokus prend d’année en année de l’envergure. Depuis ses débuts il y a sept ans et ses premières projections dans un petit loft, le festival s’est considérablement développé. Il est en effet depuis cinq ans affilié au Cinéma du Parc, et, cette année, le cinéma leur prête une salle supplémentaire. Il y aura donc deux salles, ce qui permettra d’augmenter le nombre de spectateurs et de créer un plus grand dynamisme dans le festival. Conférences, discussions avec les réalisateurs et projections des films s’alterneront. À l’issue de la journée de vendredi, des juges décerneront un prix au meilleur court-métrage de chaque catégorie. Parmi les juges seront présents deux professeurs de McGill ainsi que des juges extérieurs.
Le festival présentera aussi un concours de films réalisés par des étudiants en 72 heures. Enfin, tous les dons récoltés grâce à la vente des billets seront reversés à l’association Wapikoni Mobile, qui fournit des équipements de montage vidéo à de jeunes autochtones de communautés isolées.
Tout cela ne donne que des bonnes raisons pour aller soutenir la production de films mcgillois et participer à l’effervescence du festival ; si la qualité des courts-métrages reste très inégale, Fokus propose une intéressante multiplicité d’événements qui ne manquent pas d’originalité.