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Opéra et French cancan

Opéra McGill revisite La flûte enchantée.

Opéra McGill

Le 4e opéra le plus joué au monde a fait la joie du public mercredi soir dans une représentation rafraîchissante, malgré des choix de mise en scène inégaux.

L’orchestre de chambre de McGill, mené par un Boris Brott très à l’aise, exécute la partition avec équilibre et justesse. L’équipe musicale est globalement très compétente et livre une performance remarquable contrastant avec les lacunes scénographiques.

La mise en scène laisse en effet une impression étrange. D’une part, il y a un effort constant pour surprendre le spectateur par des effets de cassure du quatrième mur ; d’autre part, cet effort devient lassant dès lors que chacune des entrées se fait par le fond de la salle. Le directeur Patrick Hansen dit vouloir « raconter l’histoire au public en remettant en cause la notion d’emplacement de la scène ». Cette remise en cause est fortement ressentie par le spectateur : l’orchestre se trouve sur la scène et les personnages se déplacent de nombreuses fois dans la salle. Mais jusqu’où doit-on aller pour renouveler un classique ? L’effet de surprise est évidemment marquant à la première scène de l’acte un, mais au bout d’une dizaine d’allées et venues entre les spectateurs, l’effet perd en force et originalité, jusqu’à en devenir gênant pour suivre le fil de la narration si l’on est mal placé.

Les décors sont sommaires, trois panneaux en élévation de chaque côté de la scène et un écran au centre, au-dessus de l’orchestre. Cet écran est de trop ; il veut accompagner l’action par des animations visuelles évocatrices mais il ne fait que détourner les yeux des spectateurs. La qualité de l’image donnait parfois l’impression d’avoir affaire à l’écran de veille d’un Windows 98. Nul besoin d’être Voltaire pour comprendre que les paysages enneigés représentaient le royaume de la reine de la nuit, tandis que les animations de rouages lumineux symbolisaient l’environnement maçonnique du roi Sarastros.

Les costumes de Ginette Grenier sont pour la plupart réussis. Là encore, le monde de la reine de la nuit s’oppose trivialement à celui des initiés. De la fourrure blanche pour ces dames et des habits de mécanos pour ces messieurs, le couple Papageno-Papagena se démarque comme il se doit, sans excès de plumage et avec un maquillage efficace.

David Tinervia, dont c’était la dernière performance avec Opéra McGill, est un Papageno extraordinaire à de nombreux égards. Son jeu théâtral audacieux, plein d’expression, rehausse l’immobilité de son partenaire Tamino. Il est enchanteur, vivace et possède une voix de baryton au vibrato agréable. Il faut le voir se trémousser entre les rangs de la salle à la recherche de sa Papagena ; il est indéniable qu’il habite véritablement son personnage.

Kevin Myers joue un Tamino inflexible, vertueux, un tantinet rasoir dans sa performance théâtrale mais d’une rigueur vocale impressionnante. Sa Pamina (Sara Ptak) est plus émouvante dans sa prestation, notamment au moment du « Ach, ich fühl’s » qu’elle interprète à merveille. La reine de la nuit, malgré ses allures de sorcière blanche du Monde de Narnia, est peut-être le personnage le plus solide de l’intrigue. Rebecca Woodmass est à l’aise dans ses vocalises et va chercher le fameux contre-fa dans un triomphe incontestable. Son rival sur scène, Brian Prinzen, campe un Sarastro plutôt inégal dans sa performance vocale ; il s’impose toutefois avec noblesse dans son rôle de despote éclairé. On retiendra l’habile performance de Lee Clapp en Monostatos, dont le jeu de méchant de dessin animé vient redonner au récit son caractère merveilleux.

Il faut peut-être se résigner à accueillir le spectacle dans son aspect humoristique. L’aspect initiatique du conte perd de sa crédibilité lorsque les supposés sérieux maçons se mettent à danser le French cancan, ou bien quand la flûte enchantée se révèle être un vulgaire jouet s’illuminant aux couleurs de l’arc-en-ciel lorsqu’elle est jouée.

Ce n’est donc pas un opéra maçonnique éblouissant de lumière mais un spectacle pour les petits et les grands qui était donné mercredi dernier au Pollack Hall.


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