* Article modifié le 26 mars 2013 à 20h00
Aujourd’hui au Québec, des associations étudiantes, dont notamment l’Association Syndicale pour une Solidarité Étudiante (ASSÉ), continuent de réclamer la gratuité scolaire pour les universités de la Province. Le thème de la gratuité sera d’ailleurs l’un des principaux thèmes dont discutera l’ASSÉ lors de son congrès, le 6 avril prochain. Comme elle l’explique dans son Mémoire sur la gratuité scolaire 2012–2013, disponible sur son site Internet, le projet de gratuité scolaire est un réel « projet de société » pour le Québec. L’année dernière, dans les débats sur la hausse des frais de scolarité et sur la gratuité scolaire au Québec, les leaders étudiants avaient évoqué des pays comme la Suède, voire la France, comme éventuels modèles d’universités publiques et gratuites à émuler.
Il existe en Argentine un grand nombre d’universités publiques basées sur le principe de la gratuité. Le ministère de l’éducation argentin annonce sur son site internet que le pays compte 47 universités nationales (publiques), 49 universités privées, ainsi que quelques autres instituts universitaires ou universités spéciales.
Les universités publiques sont financées par l’État. Les étudiants ne payent pas de frais de scolarité : ils n’ont qu’à payer des frais d’inscription à leur entrée. Gabriel, ancien étudiant à la faculté d’ingénierie de la Universidad de Buenos Aires (UBA ; une grande et prestigieuse université publique de la capitale), contacté par Le Délit, explique : « les seules dépenses qui existent sont celles liées à l’achat de matériel (livres, photocopie et autres) mais rien de plus ».Gabriel raconte son expérience à la UBA : « le niveau est bon et l’université est plutôt bien classée au niveau mondial. De plus, il y a une grande variété de professeurs et de points de vue, ce qui génère une plus grande ouverture d’esprit. Enfin, la gratuité permet à des étudiants d’une grande variété de classes sociales d’aller à l’université et il y a une plus grande richesse culturelle ».
Cependant, le pays compte aussi un grand nombre d’universités privées. Ces universités sont également très fréquentées.
Selon Gabriel, l’université publique a ses failles. « Souvent, l’université est désorganisée et chaotique. De plus, comme il y a beaucoup de gens, il y une certaine sélection qui se fait dans les cours à travers les examens, et le taux de passage est très bas ».
Il y a également régulièrement des grèves, par exemple des professeurs, qui ont des salaires plutôt bas.
Aussi, ajoute Gabriel, « au niveau infrastructurel, les locaux et édifices sont souvent plutôt vieux ».
Au contraire, les universités privées proposent des locaux plus modernes. Les bâtiments de la Universidad del Salvador (USAL ; l’Université avec laquelle McGill a passé un accord pour les échanges internationaux) sont récents, datant de 1958, comparée à la UBA, fondée en 1821. De plus les cours dans les universités privées sont de petite taille (une vingtaine d’étudiants en moyenne dans la faculté des sciences sociales de la USAL), ce qui peut paraître plus attirant que les amphithéâtre remplis des universités publiques.
Esteban, étudiant de l’université privée San Andres – une des meilleures universités du pays – explique, en entrevue avec Le Délit, quels sont, selon lui, les aspects positifs des universités privées. Premièrement, elles disposent de plus de ressources. « Par exemple, j’ai un ami qui étudie en cinéma à la Universidad del Cine, et quand il doit filmer, il a accès à tous les équipements possibles, du matériel que beaucoup ne peuvent pas avoir dans les universités publiques ».
Les universités privées permettent également de se créer un réseau de contacts : « Il est beaucoup plus facile de se trouver un emploi, d’entrer en contact avec des entreprises. D’ailleurs, les entreprises vont directement chercher les étudiants dans les universités privées les plus prestigieuses ».
« Enfin », dit Esteban, « les universités privées procurent à l’étudiant un suivi personnalisé que l’on ne trouve pas dans les universités publiques ».
Il reconnaît qu’il faut en revanche payer parfois très cher pour y accéder. Mais elles offrent des ressources et possibilités qui en valent la peine. « Dans mon cas, j’ai failli aller à la UBA, mais j’ai eu la chance d’entrer à San Andres grâce à une bourse. L’Université San Andres accorde d’ailleurs beaucoup de bourses aux étudiants qui démontrent le plus d’intérêt pour les études ».
« La UBA est l’université la plus prestigieuse en Argentine […], mais le chemin doit s’y faire seul », dit Esteban. En même temps, pour Gabriel, qui a fait ses études à la UBA, le « chaos » des universités publiques est comme un « apprentissage de la vie ». Selon lui, il y a deux principaux motifs pour choisir une université publique : « le premier est d’ordre économique, soit la gratuité des études ; le second est plutôt de l’ordre de la conviction. La formation qu’offrent les universités publiques est très bonne à la fois sur le plan académique mais aussi au niveau de la formation de l’esprit. Au contraire, les universités privées sont plus comme des ‘bulles’ et plus éloignées des réalités du pays. Les gens qui vont à l’université publique vont se sentir plus impliqués dans la vie du pays. Et ils n’auront pas leur apprentissage servi sur un plateau ».
Le système universitaire argentin semble donc reposer sur un relatif équilibre entre universités publiques et privées. Les deux côtés attirent différents étudiants pour des raisons différentes.
Néanmoins, même si le système permet à beaucoup d’étudiants de diverses classes sociales d’accéder aux études post-secondaires, que ce soit dans le public ou dans le privé, il ne faut pas perdre de vue qu’une importante partie de la population argentine vit dans la pauvreté. Aussi, les enfants défavorisés qui n’auront pas reçu une éducation primaire et secondaire complète n’auront pas les mêmes chances de suivre un cursus universitaire que les enfants des familles un peu plus aisées – que l’université soit gratuite ou non. La gratuité ne garantit pas complètement l’égalité des chances.
Dans tous les cas le type d’université publique qu’a adopté le pays représente un certain modèle d’université gratuite, avec ses côtés bons et moins bons, que le Québec pourrait un jour analyser, tout en gardant en tête les contextes et réalités sociales différentes entre l’Argentine et la Province.