Depuis 10 ans, Piknic Électronik investit l’île Saint-Hélène chaque dimanche (et parfois le samedi ainsi que les jours fériés) de 14h à 21h30 entre la fin mai et la fin septembre. Le concept : offrir de la musique électro de qualité aux vieux adeptes comme aux tous nouveaux amateurs, dans une atmosphère chaleureuse et inclusive. L’expérience sociale et culturelle fait tout autant le succès et la réputation du Piknic que la qualité de sa scène musicale. Concrètement, Piknic est un mélange éclectique de familles (il n’y a pas d’âge limite d’entrée, c’est même gratuit pour les moins de 12 ans), d’étudiants, de touristes, etc. Parfois déguisés, souvent hauts en couleurs, ils se rassemblent autour de deux scènes – Moog et Guru – avec chaque fin de semaine des DJs venant des quatre coins du monde mais aussi et surtout des talents locaux. Chaque année, des concours de DJs sont organisés à Montréal et les gagnants se voient offrir la scène d’un Piknic pendant une heure ou deux. Piknic Électronik s’occupe aussi d’une majeure partie de la logistique de festivals tels que Mutek, Osheaga ou Pop Montréal.
Certains pourront se plaindre des effluves très présentes de tabac et autres plantes roulées, mais l’ambiance – somme toute très folklorique – reste à l’abri d’agissements déviants. Piknic Électronik est une expérience inoubliable pour tout les âges, grands amateurs ou non de musique électro.
L’événement a lieu sur l’île Sainte-Hélène au Parc Jean-Drapeau. Le cadre naturel insulaire est idyllique. En ce beau dimanche après-midi, l’harmonie règne au Piknic Électronik. La musique rassemble les amateurs qui ont traversé le Saint-Laurent pour cet événement estival hebdomadaire. Un homme est dans la foule. Les mouvements de son corps au rythme de la musique donne corps au son du DJ. Il n’est pas seul. Une grande chorégraphie conviviale s’improvise.
Outre les costumes, coiffures, mouvements et chants, on joue. On joue à être. On joue purement à être soi. On admire celui qui joue avec sa propre règle. Ici, les normes se renversent. On ne veut pas faire « comme », on veut faire « avec ». Au lieu de se rapporter à sa différence, on explore son unicité. Enfants, couples, étudiants, franco, anglo, tous s›accordent petit à petit au diapason du chef d’orchestre pour ne former qu›une seule vague qui va et vient. Chaque mouvement emporte une pierre de plus.
L’homme s’enfonce dans la musique. Il se promène entre les deux scènes mythiques du Piknic. La house montréalaise laisse place au disco-électro-funk. Les frontières sont décloisonnées autour de l’électro. Mais notre homme bloque. D’autres autour de lui ne renvoient pas cette énergie propulsante et créatrice. Ils se divertissent. Les rires deviennent grincements de dents. Au milieu des effluves de quelque substance, il ressent leur amertume. Elle le blesse. Ce profond et familier sillage creusé par l’insatisfaction. Comment chose aussi exceptionnelle que la musique peut-elle être pervertie en simple divertissement ? Il faut s’élever, ne pas chercher à détruire en vain et échapper ainsi à ce paradoxe. Les DJs de la scène Moog célèbrent la première performance de leur nouvelle création. Ils sont à nu devant leur public. L’homme en prend pleinement conscience, il ressent leur vulnérabilité. Et toute l’énergie qu’il mettait depuis des années à remédier au vide, finalement se libère. Il existe. Il se laisse entrainer. Les vibrations du synthé le soulève et lui permettent de s’élever infiniment au dessus du néant. Le flot de sa pensée dépasserait celui de ses mots ; alors il se tait et nous présente tout son être au travers de sa cinétique.
Le Saint-Laurent coule tranquillement. On est happé par l’atmosphère translucide du soir qui tombe sur la ville de Montréal. L’homme en entraine peut-être d’autres. Les couleurs et les formes se brouillent, ne reste que cette chaude lumière d’un automne qui débute. Plus il reconnait la grandeur, plus il prend conscience du néant. Mais au-delà de ce dialectique, il se laisse renaitre. Piknic Électronik autorise décidemment toutes les folies.