Le colloque « Frontières, murs et sécurité », tenu à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) les jeudi 17 et vendredi 18 octobre 2013, a présenté une diversité de sujets. Lors de l’atelier du vendredi après-midi, nommé « Murs et Migrations » , la création d’une frontière digitale européenne, EUROSUR, était au centre de la discussion. Nommée « Fencing the Sea Borders ? Making sense of EU new Digital Borders » la conférence était présenté par Denis Duez, professeur à l’Université Saint-Louis et Rocco Bellanova, chercheuse à l’Institut de recherche sur la paix à Oslo.
Une frontière digitale
Le projet EUROSUR, proposé et adopté au Parlement Européen, couvrirait les frontières maritimes de l’Union Européenne (UE) et aurait pour but d’assurer la surveillance des frontières de l’UE. Ce projet a trois objectifs : réduire le nombre d’immigrants, augmenter la sécurité intérieure de manière générale et diminuer la perte de vie en mer. Comment ? En intégrant des bases de données préexistantes et en partageant l’information recueillie entre tous les pays européens en fonction de leur pertinence. Pour améliorer la capacité de réaction, le système ne serait pas centralisé ; la frontière serait découpée en tronçons et il y aurait divers centres de coordination. Les bases de données, liées à des logiciels comparables à ceux utilisés par les compagnies d’assurance, pourraient détecter des mouvements de navires suspects en mettant en relation multiples informations apparemment anodines. Laissant les risques éthiques « Big Brother » à d’autres, Monsieur Duez se concentre sur l’aspect politique d’EUROSUR. Plus particulièrement, il veut montrer que l’UE dépolitise la question controversée de cette frontière européenne digitale en la ramenant à un simple enjeu technique. Mais si l’UE contrôle les mers avec ce projet, contrôle-t-elle les effets du projet lui-même ?
Politique et technique
En se bornant à l’aspect technique, l’UE n’élimine pas le côté politique. Cet objet technique et technologique qu’est la frontière digitale européenne va elle-même façonner le « représentation de l’autre » et l’image de la frontière pour tous les Européens. Tous auront la même représentation cartographique qui, dit Duez, mènera à une mise en récit partagée : les Européens vont « lire leur histoire et l’histoire de leur confrontation à l’extérieur ». Mais cette représentation sera produite indépendamment du choix des acteurs. Ceci ramène au côté performatif des objets non-humains et leur effet sur les sujets humains. Duez suggère que la mise en récit sera quand même produite, mais par l’objet qu’est EUROSUR. Elle renverra l’image « d’une Europe assiégée dont il faudrait se défendre ». En ignorant la question politique par le biais d’une solution technique, l’UE ne fait qu’empêcher les Européens de créer un discours ouvert et une nouvelle image de la frontière. Il faudrait donc faire attention à ne pas se faire piéger par les propres objets que l’on invente pour des problèmes soi-disant « techniques ».
Ce colloque a lieu tous les deux ans et rassemble des gens de tous horizons. Véronique Pronovost, une des organisatrices de l’événement, dévoile que l’organisation commence environ un an à l’avance, tandis que Caroline Leprince, chargée du financement, a déclaré que c’était « très difficile d’obtenir du financement » car beaucoup de réglementations ont changé depuis la crise de 2008. Tout organisme lié de près ou de loin à la question des frontières a été contacté. Enfin, il a fallu trier plus de 200 publications pour choisir les participants, et Madame Pronovost a affirmé que les sujets étaient vraiment divers, allant de l’architecture à l’écologie en passant par la politique et la géographie.