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Frosh(ch)eese

Une chronique qui ne mâche pas ses mots.

Une chronique culinaire par une étrangère n’ayant que deux poutines au compteur, appréciant les cantines de McGill et achetant son pain chez Dollarama : impensable ? Inadmissible ? Immangeable ? Indigeste ? Non.

L’étranger et plus particulièrement la jeune Française ne recule devant rien face à une pulsion du palais. Et c’est ainsi que le miracle se déguste. Proust avait sa madeleine, j’eus mon fromage.

Atwater et son marché, un dimanche matin, marchant sous la pluie et tentant d’oublier les frasques de la veille, je suis rentrée dans « La Fromagerie Atwater ». Un nom simple que je n’oublierai pas. Tout comme je me rappellerai de la gentillesse et du professionnalisme des fromagers. Tout comme je garderai en mémoire l’image des quelques 800 fromages différents de tous horizons qui y sont proposés. Tout comme je me souviendrai du goût simple mais fin du « semi-ferme », fabriqué grâce au lait des quelques 500 têtes restantes de « vaches canadiennes » Tout comme je me remémorerai la douceur de leur « Pont‑l’évêque » fait au point de me tirer des larmes. Personne mieux que ce cher Marcel ne décrirait l’émotion de cette dégustation. Quand ce petit bout de Normandie « toucha mon palais, je tressaillis, attenti[ve] à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse ».

La morale de cette histoire n’est pas de promouvoir cette oasis ou de faire l’apologie des produits laitiers, mais plutôt de justifier mes prochaines apparitions au sein du Délit. La nourriture, la gastronomie, la cuisine et même la bouffe ne sont pas qu’un amas de glucose voué à finir au plus bas de notre tube digestif. Non, c’est bel et bien de l’art. Comme tout art, cela dégage de l’émotion et des sensations multiples. Et bien qu’il y soit question de subjectivité et de goût, la gastronomie reste avant tout signe de culture.

Ainsi la cuisine est d’un savoir-faire et d’une qualité qui se perpétuent mais qui évoluent aussi avec les modes. Mais surtout il est bon de se rappeler que le goût est un sens qui forme notre histoire personnelle et pose les bornes de notre jardin secret. Une bouchée peut nous transporter et nous ramener à une atmosphère familière même à 5512 km de chez soi. Car « l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir ».
Nous nous devons donc de valoriser cette œuvre humaine, de faire connaitre ses plus belles traditions, de partager ses réussites et de parfois même les critiquer.

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Marché Atwater, station Lionel-Groulx.
Tous les jours de 7h à 17h.


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