C’est dans le contexte convivial du « Homecoming Weekend » de McGill qu’avait lieu le Beatty Talk 2013. Anciens élèves, étudiants et membres du corps académique de l’Université étaient réunis dans la salle Pollack de l’École de musique Schulich pour suivre la conférence de l’architecte Witold Rybczynski samedi dernier. Ancien bachelier, diplômé d’une Maîtrise en architecture de McGill et, plus récemment, d’un doctorat honoraire, Rybczynski est un professeur reconnu et apprécié. Écrivain et critique à ses heures, sa contribution intellectuelle à la profession se focalise principalement sur les liens entre passé, présent et futur dans le domaine de l’architecture. Intitulée « Architecture et le Passage de l’Histoire », la conférence commence en fin de matinée, après un discours préliminaire de la nouvelle principale Suzanne Fortier.
En guise d’introduction, Rybczynski nous emmène en 1839, lorsque John Ostell fut désigné architecte en chef de la construction du bâtiment des Arts de l’Université McGill. Pour réaliser l’édifice emblématique de l’Université, ce dernier imita la structure du Horse Guards Building à Londres (William Kent, 1753) en s’inspirant également de la façade de la Villa Cornaro à Piombino Dese (Andrea Palladio, 1554). Trônant sur le toit, la coupole fait également référence aux merveilles architecturales de la Renaissance, comme la basilique Santa Maria del Fiore à Florence. À l’image d’un phare, cet octogone symbolise un halo lumineux qui se doit de guider les étudiants vers la quête du savoir.
Ce cours d’histoire rafraîchissant permet à Rybczynski d’établir un constat simple mais pas tout à fait évident : les architectes sont constamment entourés par les réalisations de leurs prédécesseurs. Au-delà de rappeler une des singularités de cette discipline, ce constat définit partiellement la relation qu’entretiennent histoire et architecture. Plus précisément, Rybczynski souligne le fait qu’en plus de s’inspirer de travaux anciens, certains architectes opèrent même une véritable renaissance en réinterprétant ces mêmes travaux. Par exemple, le Divinity Hall (Birks Building) de McGill rappelle sans équivoque l’architecture gothique.
Robert A.M. Stern, architecte et doyen de la Faculté d’Architecture de Yale, note, à propos de ce procédé : « Ce n’est pas reproduire, c’est parler. » C’est interpréter à sa manière le ressenti du passé pour s’exprimer au présent. S’inspirer du passé n’est donc pas synonyme de plagiat. Au contraire, Rybczynski nous fait comprendre qu’il est même nécessaire en architecture de retrouver une certaine sagesse, un certain goût, voire même une certaine vitalité en réinterprétant les œuvres du passé.
La conférence se termine par une citation de James Stirling, affirmant que « les architectes ont toujours regardé en arrière pour aller de l’avant ». Effectivement, Witold Rybczynski insiste sur le fait que « l’architecture visionnaire » n’a généralement pas sa place lorsqu’on atteint ce fameux futur. Décalée et grotesque, elle rappelle à l’Homme que nous n’avons pas la capacité de deviner l’avenir, de prédire la subtilité du lendemain, et qu’il ne faut donc pas s’y adonner. Et pour cause, en architecture, comme dans n’importe quelle discipline, il faut donner du temps au temps, un vrai visionnaire sait lire dans le passé pour rénover l’instant.