Le commerce des hommes est une étrange chose. Quelle entrée en matière sordide, pédante et disgracieuse. Mais c’est pourtant la formule qui m’est venue à l’esprit ce matin, alors que j’étais debout sur la croix du mont Royal face au soleil couchant, et que je lisais un article du site Internet de McGill intitulé « Voltaire is in the house ».
Ce Voltaire dont on va maintenant s’occuper est tout d’abord, rappelons-le, un cadavre faisant face à Rousseau dans le temple des morts dont les français s’honorent. Aujourd’hui, avec l’acquisition par la bibliothèque de McGill de la collection J. Patrick Lee (sujet de l’article cité plus haut), c’est tout un transfert symbolique qui est à l’œuvre.
Mettons que la bibliothèque McLennan soit un club de football ou de soccer. Il s’agit pour nos bons rats (de bibliothèque) d’un coup aussi gros que celui de récupérer un Zlatan ou un Zidane dans leur équipe. Et pour cause : 1994 objets de, et sur Voltaire ! Autant de bouts d’immortalité qui pourront maintenant chuchoter « We are McGill », bien installés au frais dans les étagères du quatrième étage de McLennan.
À celui-ci je préfère tout de même le destin que connaît Rabelais. Au lieu d’ombres et poussières, son fameux Pantagruel est devenu une marque de chocolat pâtissier dont vous me direz des nouvelles. Il est vrai que les fauteuils « voltaire » ont leur mot à dire dans ce débat mais si je me prends d’animer tous les objets légués par le monde des lettres, on n’est pas sorti de l’auberge des trois faisans.
C’est pourquoi je serai bref et concis : tous les honneurs sont vains, surtout s’ils concernent le prochain. L’immortalité est la carotte de l’âme. C’est un combat sans fin, celui que nous menons pour l’estime de nos semblables (on le décrie sans cesse, toujours on y revient).
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot, je nous ferai deux propositions afin de clore rapidement cette discussion qui déborde inutilement de sens :
S’il s’agit d’engloutir la mort, il nous faudrait retourner lire la Bible (Corinthiens 25–54).
S’il s’agit de rester dans la mémoire des hommes, il faut nous faire hommes de lettres ou nous assurer d’en avoir à nos côtés, car il est écrit : « Les grands hommes ne sont immortalisés que par l’homme de lettres qui pouroit s’immortaliser sans eux. Au défaut d’actions célèbres, il chanteroit les transactions de la nature et le repos des dieux, et il seroit entendu dans l’avenir. Celui donc qui méprisera l’homme de lettres méprisera aussi le jugement de la postérité, et s’élèvera rarement à quelque chose qui mérite de lui être transmis. (L’Encylopédie, « Immortalité »).
Sur ce je souhaite la bienvenue à François-Marie d’Arouet, dit Voltaire, dans notre communauté managériale.