En 2015 le monde entier lèvera les yeux et tendra l’oreille vers les étoiles pour écouter l’une d’elles : Lady Gaga. Une star parmi les « stars ». La nouvelle de ce premier concert historique dans l’espace n’est pas qu’un simple ragot de magazine people. Rapportée par le très sérieux journal français Le Point, elle nous fait réfléchir sur ce front pionnier au-delà de l’atmosphère : l’espace.
Une clientèle restreinte
En 2015 la société du milliardaire Richard Branson, Virgin Galactic, lancera quelques aventuriers chanceux en orbite, dans des vols à 100 kilomètres de la Terre. Des aventuriers chanceux ? Le descriptif est plutôt mal choisi car les quelques 600 candidats déjà inscrits ne payeront pas moins de 270 000 dollars canadiens pour expérimenter la « gravité zéro ». Qui sacrifierait 26 000 heures de travail au salaire minimum québécois pour être lancé à 3 500km/h dans une sorte d’avion du futur ? Quelques stars du showbiz (dont Rihanna ou encore Paris Hilton), soucieuses de s’offrir un petit coup de communication intersidéral. Mais aussi quelques milliardaires moins connus, souhaitant illuminer les dîners mondains de leur aventure hors des sentiers battus. Ou encore quelques rêveurs fortunés n’ayant toujours pas enterré leurs utopies d’enfants.
Un clivage renaissant
Ce nouveau phénomène, bien qu’extraordinaire et symbolique du progrès technologique, n’en reste pas moins dérangeant d’un point de vue social. À notre époque où le voyage est considéré comme étant démocratisé grâce aux compagnies aériennes dites low cost (à bas prix) et aux agences de voyages à prix cassés, on avait enfin l’impression que l’espace terrien était presque accessible à tous. Mais ce nouveau monde qu’offre Virgin Galactic crée de nouvelles frontières sociales. On se croirait projeté dans un film de science-fiction dans lequel seuls les riches ont la possibilité de s’évader de notre planète polluée pour aller vers cette oasis qu’est l’espace. Si ces voyages d’un nouveau genre se généralisent, la différence qui va se faire entre ceux qui peuvent ou qui ne peuvent pas voir la Terre « d’en haut » sera comme une nouvelle strate sociale. Une classe sociale dominante encore plus « supérieure » que celle de Karl Marx, car elle sera à 100km au-dessus du peuple.
Cela nous amène alors à réfléchir sur la division actuelle de notre société. Cette classe, constituée de ceux qui auront leurs sièges dans un vaisseau spatial, existe déjà bel et bien. Elle est constituée de célébrités, de grands PDG ou de riches financiers. Ceux-ci sont encore plus dominants que les bourgeois du marxisme car ils nous possèdent sans même que nous travaillions pour eux (contrairement au prolétaire d’antan): nous appartenons à Lady Gaga en étant SES fans, SES « monsters ». Nous appartenons à un riche créateur de société informatique (Google, Facebook…) qui détient alors une quantité effrayante d’informations à notre propos. Nous appartenons aux riches banquiers ou aux traders qui détiennent dans leurs portefeuilles nos emprunts d’étudiants.
Le premier vol dit « grand public », qui sera retransmis par la National Broadcasting Company (NBC), groupe audiovisuel étatsunien, comme « l’un des événements télévisés les plus mémorables de la télévisions » (selon Sharon Scott, PDG de Peacock production, une filiale du groupe NBC), sera donc une illustration grandeur nature des inégalités actuelles. Cet espace ne sera que celui d’un petit nombre qui domineront du regard les autres terriens, qui n’ont que leur imagination et leur poste de télévision pour se rapprocher des étoiles. Une métaphore de la pyramide sociale.