Jean-Christophe Rufin est médecin, diplomate–ancien ambassadeur de France au Sénégal, écrivain et membre de l’Académie Française. Dans Immortelle Randonnée–Compostelle malgré moi, récit paru en avril 2013, il raconte son parcours à pied sur le Chemin du Nord jusqu’à St-Jacques de Compostelle. L’auteur y partage avec humour et autodérision ses anecdotes du Chemin, et dresse le portrait du « pèlerin du XXIème siècle ». Il dévoile à travers ce récit de voyage les facettes à la fois modernes et historiques de la célèbre randonnée.
L’Auteur de L’Abyssin (Prix Goncourt 1997) était de passage au Salon du livre de Montréal en novembre dernier. L’académicien y a présenté la nouvelle édition en images de son livre, illustrée par des photographies du travailleur humanitaire québécois Marc Vachon. Il a accepté de répondre à quelques questions du Délit.
Le Délit : Pourquoi avez-vous souhaité publier une édition en images d’Immortelle Randonnée ? Qu’avez-vous ressenti sur le chemin la deuxième fois ?
Jean-Christophe Rufin : Les lecteurs d’Immortelle randonnée avaient aimé le côté « décalé » de mon récit. Quand on m’a proposé d’en faire une édition illustrée, je souhaitais garder ce décalage dans les photos. J’ai pensé que Marc Vachon, avec ses origines québécoises et son immense expérience de l’humanitaire, porterait sur le Chemin de St-Jacques un regard original.
Cependant, je ne l’ai pas refait entièrement à pied cette fois-ci. Je me suis rendu en voiture aux endroits qui m’avaient marqués. Le contact en voiture est très différent. La dimension d’effort manque. Les choses paraissent plus prosaïques et plus décevantes quand on ne les a pas « méritées » et attendues pendant des heures et des heures d’effort.
LD : Le Chemin de Compostelle revient « à la mode » depuis quelques années : à votre avis, quel est le sens du chemin de St-Jacques aujourd’hui ?
JCR : Le Chemin est ouvert à tous. Bien sûr, il est fréquenté par des chrétiens qui y voient un itinéraire religieux. Mais il est aussi parcouru par bien d’autres personnes, ayant d’autres croyances, ou même agnostiques. Ces personnes sont sensibles au caractère spirituel du chemin, au travail qu’il opère sur l’esprit, à la liberté qu’il donne, au contact avec la nature. Le Chemin de St-Jacques est un itinéraire post-moderne !
LD : Le mot « pèlerin » conserve-t-il toujours la même signification ?
JCR : Le randonneur qui emprunte un itinéraire de Compostelle devient un pèlerin. C’est souvent à son insu et j’ai été très surpris la première fois que j’ai entendu quelqu’un me désigner comme ça.
LD : En faisant le chemin, alors que vous ne cherchiez peut-être rien en particulier, qu’avez-vous trouvé ?
JCR : J’ai trouvé le dépouillement, la richesse de posséder le moins possible, de ne prendre sur son dos, au sens propre comme au figuré, que « l’essentiel ». Cet essentiel varie pour chacun d’entre nous et un des mérites du Chemin, c’est de vous aider à comprendre ce qui pour vous est essentiel. Je suis devenu moins boulimique de projets et d’engagements. Un peu plus sage, peut-être.
LD : Vous avez exercé plusieurs métiers. Quels conseils donneriez-vous à de jeunes étudiants qui souhaiteraient se lancer dans l’une de ces professions ?
JCR : Ce sont des carrières très différentes ! Je ne suis passé de l’une à l’autre que par un concours de circonstances. Médecin, je me suis engagé dans l’humanitaire et cela m’a conduit jusqu’à exercer des fonctions officielles dans la diplomatie. Quant à l’écriture, c’est une passion intime, la volonté de partager les émotions et les expériences que la vie m’a apportées.
LD : Quels sont vos prochains projets d’écriture ?
JCR : Je publie en mars prochain un court roman qui met en scène un chien. C’est un roman sur la fidélité, ses paradoxes et ses limites. L’histoire se passe au lendemain de la Première Guerre mondiale.
LD : Qu’avez-vous pensé de votre passage à Montréal au Salon du livre ? Qu’est-ce que la rencontre avec son public lecteur apporte à un écrivain ?
JCR : J’aime beaucoup le salon de Montréal. Il a beau être immense et très fréquenté, on s’y sent au calme. On a le temps de discuter avec les lecteurs, d’échanger. L’écriture est un métier solitaire. La rencontre avec les lecteurs permet de savoir à qui on parle. C’est un grand réconfort.
Romain Hainaut