L’hiver à McGill, ce sont environ 225 bâtiments étendus sur près de 850 000 m² qui doivent être chauffés. L’Université McGill étant située à Montréal, l’une des villes les plus froides en Amérique du Nord et où l’hiver dure longtemps, de nombreux défis sont à relever pour mettre en place un système de chauffage efficace et écologique. Le Délit a fait des recherches sur les projets de consommation d’énergie l’hiver à McGill.
Un peu de chaleur
Il existe à McGill deux grands organes chargés des questions d’énergie en général : l’unité de gestion des services d’utilité et de l’énergie, et le bureau du développement durable. Les deux offices travaillent en étroite collaboration.
Le rôle de l’équipe de gestion des services d’utilité et de l’énergie est de « surveiller l’utilisation de l’énergie et d’élaborer des programmes pour réduire la consommation d’énergie, et maximiser l’efficacité des réseaux d’utilité publique de l’université », selon leur site Internet. Un programme qui suit principalement le Plan quinquennal (2010–2015) de gestion de l’énergie adopté par l’université il y a près de quatre ans. Ce plan rassemble une série de projets de développement durable et d’économie d’énergie. L’université visait une baisse de consommation d’énergie de 14% pour 2012–2013, et souhaite atteindre une économie annuelle de 6 millions de dollars d’ici 2014–2015.
À côté, le bureau du développement durable de McGill met en place des projets et initiatives pour faire de McGill un campus durable, comme le McGill Energy Project auquel ont participé des étudiants.
Pour ce qui est du programme de chauffage à McGill, Denis Mondou, directeur de l’unité gestion des services d’utilité et de l’énergie, explique au Délit que McGill a adopté un système de chauffage de réseau : « plutôt que d’envoyer du gaz ou de l’électricité dans chacun des édifices, on envoie de la chaleur, de la vapeur ; cela fonctionne depuis une centrale thermique, à partir de chaudières à vapeur alimentées au gaz naturel. » C’est donc principalement sur le gaz que repose le système.
Chauffage inégal ?
L’université étant très grande et composée de bâtiments divers, il est difficile de gérer efficacement la consommation de chacun des édifices. De plus, certains bâtiments sont anciens et donc ont un moins bon rendement énergétique. Ainsi, certaines salles de classe semblent parfois « surchauffées » et d’autres « sous-chauffées » l’hiver. Par exemple, une salle au sous-sol du Pavillon Morrice met beaucoup de temps à se réchauffer et la température reste autour de 12° à 14°C le matin, en période de grand froid.
« Les bâtiments et leurs systèmes sont très complexes […], les problèmes existent et certains sont récurrents », admet Jérôme Conraud, gestionnaire de l’énergie à McGill. Pour expliquer ces écarts de chaleur, monsieur Conraud mentionne en effet la vétusté des bâtiments, et surtout, aussi, l’exposition au soleil, difficile à gérer. Il explique alors au Délit que les bâtiments sont « zonés afin de pouvoir contrôler des pièces similaires – par exemple toutes les pièces sur la façade nord, toutes les pièces sur la façade sud, toutes les pièces au centre, etc ». Le plan quinquennal prévoit également une « revue des systèmes mécaniques des principaux pavillons sur le campus afin de les optimiser, tant au niveau de leur performance énergétique qu’au niveau du confort des occupants ».
Énergie en direct
Pour surveiller au jour le jour ces inefficacités dans la consommation d’énergie, l’université a créé le « tableau de bord énergétique de McGill » , un outil en ligne qui permet de voir et comparer la consommation d’énergie des différents bâtiments de l’université, en temps réel. Le tableau fonctionne grâce au logiciel Pulse, qui communique avec les compteurs d’énergie de l’université puis transmet et analyse les données. Cette semaine par exemple, on peut constater que le bâtiment Shatner (dans lequel les bureaux du Délit se situent) a enregistré depuis sept jours une baisse de 17% en consommation d’énergie. En revanche, on peut voir que la bibliothèque McLennan aurait augmenté sa consommation de 21%.
La plateforme offre une série de statistiques ; mais au-delà des chiffres, le système a‑t-il fait ses preuves ? Selon Jérôme Conraud, l’outil est bel et bien utile. « Ce n’est pas le logiciel qui identifie les problèmes, mais plutôt les humains, [une équipe d’experts], qui l’utilisent qui identifient lesdits problèmes », précise-t-il au Délit. « Les économies ne sont pas tout le temps faciles à chiffrer du fait de la multiplicité des projets d’économie d’énergie et autres à McGill, mais nous estimons que nous avons économisé environ 230 000 dollars en 2012–2013 et 300 000 dollars en 2013–2014 grâce au tableau de bord ».
Pour régler ces problèmes d’écarts de chaleur, l’université pourrait aussi tenter d’appliquer des solutions « ponctuelles » (comme un système de plaques pour couper le froid dans certaines fenêtres, par exemple). Denis Mondou, cependant, ne se dit pas convaincu par ces méthodes à court-terme. « On est beaucoup sollicités ; par exemple quelqu’un est venu nous proposer une membrane à appliquer sur les fenêtres qui devrait créer la solution idéale – mais c’est sans tenir compte du coût d’installation et des conséquences qui pourraient en découler – par exemple, des plaques dans les fenêtres réduiraient la luminosité et il faudrait alors consommer plus d’électricité ». L’approche choisie par McGill est donc, selon monsieur Mondou, une approche « systémique, mais pas non plus une approche globale, qui a tendance à éviter des problèmes pointus ». Le but est de prendre du recul pour analyser les problèmes.
Repenser les murs
À plus long terme, il s’agit également de revoir la construction des bâtiments ‑surtout pour les chantiers futurs‑, pour optimiser la consommation et éviter les pertes d’énergie. C’est un des projets du bureau du développement durable. Par exemple, un des bâtiments à McGill, la Maison Lady Meredith (situé au coin de la rue Peel et de l’avenue des Pins), a été restaurée de manière à optimiser la consommation d’énergie, à la fois l’hiver lorsqu’on utilise le chauffage et l’été l’air conditionné. Le système adopté, un système « d’échange géothermal », comme l’indique le site Internet du bureau du développement durable, permettrait d’économiser jusqu’à 40% sur les coûts annuels de chauffage et de climatisation.
Projets et ambitions
Pour l’instant, en matière de consommation d’énergie dans les universités québécoises, McGill est mal positionnée. Elle s’inscrit au 18e rang… sur 18e. Mais Denis Mondou rappelle qu’il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte dans la comparaison. « Dans notre cas, on a un parc immobilier qui a une variété assez incroyable et la nature des activités est assez énergivore : la recherche par exemple, requiert l’installation d’un important système de ventilation ». Denis Mondou se dit cependant optimiste : « la bonne nouvelle, évidemment, c’est qu’on ne peut qu’aller de l’avant. On a un agenda très agressif, une approche stratégique et dans ce sens-là l’Université McGill se démarque. »
Le directeur affirme que les objectifs du plan quinquennal seront atteints dans les délais.
McGill a d’ailleurs reçu un prix en 2012 pour son « Système intégré de gestion de l’énergie », au Gala Énergia de l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie.
Il semble néanmoins que, dans la communauté mcgilloise, peu soient au courant de ces avancées. Parmi des étudiants interrogés par Le Délit en vue de l’élaboration de cet article, peu considèrent McGill comme une université « verte ». Les initiatives étudiantes en matière de développement durable sont toutefois de plus en plus nombreuses (par exemple, les initiatives de l’Association Étudiante de l’Université McGill), et le bureau du développement durable inclut les étudiants dans ses programmes de gestion d’énergie.
Au final, si McGill a encore un long chemin à parcourir, le programme pour le système de chauffage et la consommation d’énergie en général est bien établi et ambitieux.