Le régime hipster. À Montréal nous connaissons bien ce fléau qui place les pauvres âmes dans mon genre en situation d’infériorité. Le site Internet Buzzfeed qui occupe notre temps de figurants en cours me l’a affirmé : je ne suis pas une hipster, selon un quizz poussé sur les différents aspects de ma personnalité. J’ai même réitéré en répondant aux questions de « Êtes-vous cool ? », la réponse fut un NON orné d’une photo de Teckel en gilet. Je ne suis donc pas de ceux qui s’habillent mieux, qui « clubbent » mieux, qui « mixent » mieux, qui pédalent mieux, qui se tatouent mieux, qui décorent mieux et qui évidemment mangent mieux. Mais étant toujours en quête de l’excellence culinaire je me suis donc attelée à comprendre quel est ce régime qui rend la barbe si douce.
Lancée dans ma découverte de ce nouveau monde gastronomique, je me suis aventurée dans les contrées les plus sombres du Plateau Mont-Royal, j’ai même poussé mon convoi jusqu’à Brooklyn avant de finalement me perdre dans la jungle de Tumblr. Et ce fut entre un hachis parmentier purement végétarien enrichi au quinoa et un tiramisu soja-café local équitable bio – sans sucre, sans ajout, sans gluten, sans gras – que j’ai compris. Ces chemises à carreaux barbues n’ont rien inventé. Le hipster agrémente simplement des recettes bien connues d’un goût mi-amer mi-acide : celui qui nous donne l’impression de manger sain. Les études portées sur la consommation de soja dans notre alimentation révèlent qu’il présente un danger sur notre système endocrinien. Or, quand nous retrouvons son arrière-gout végétalement triste au détour d’un « smoothie » au gazon et sirop d’agave, nous ne pouvons nous empêcher de penser que ce sacrifice des papilles est un bienfait pour le reste de notre corps.
La gastronomie hispster ne serait alors qu’un simple effet marketing, une illusion bien trop travaillée pour être couronnée de la « coolitude » suprême. Un nouveau style qui préfère les plats esthétiques prêts à être publiés sur Instagram avec les noms d’ingrédients les plus saugrenus en commentaire ; plutôt que d’offrir de l’émotion et de la gourmandise. Finalement j’éprouve presque une certaine compassion pour cette tribu en crise qui cherche une identité pour notre génération : nos grands-parents se libéraient et mangeaient frais, nos parents se rebellaient et s’approvisionnaient de nouveautés mondialisées, quant aux hipsters actuels ils ont créé l’uniforme de l’originalité et s’étouffent à coup de tofu fumé.