Après l’échec du Projet St-Laurent, le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) François Legault fera vraisemblablement de sa Charte du contribuable l’enjeu central de sa campagne.
Comme une bien maladroite réponse à la Charte des valeurs présentée par le Parti Québécois (PQ), cette charte serait le premier projet de loi d’un éventuel gouvernement caquiste. Il limiterait les hausses de taxes et impôts au carcan de l’inflation annuelle, exception faite des tarifs d’hydroélectricité, qui seraient versés au remboursement de la dette.
Il faut ici bien comprendre la nature d’une telle « charte ». Il ne s’agit pas d’une réduction d’impôts, ni d’une coupure dans les services. Il s’agit d’interdire toute prochaine taxe et de rendre virtuellement et perpétuellement nécessaire un État sans cesse affamé. C’est imposer une certaine idéologie fiscale au-delà du mandat (im)possible d’un gouvernement caquiste.
Cet instrument législatif priverait donc en théorie tout gouvernement subséquent d’importants leviers financiers utiles à pour se donner les moyens de ses ambitions. Bien avant que de donner un « répit » aux contribuables actuels, c’est une réelle taxe générationnelle que tente de vendre le chef caquiste en voulant un État aminci, privé de ressources pour la prochaine génération, sous prétexte des affres de celle-ci. Qui plus est, dans le contexte économique trouble qui est apparemment le nôtre, cette mesure peut sembler saine et responsable, mais elle réduit considérablement, en fait, l’éventail d’outils que posséderait un gouvernement pour gérer des finances sous pression. Si elles sont attrayantes sur papier, si elles présentent les attraits que certains semblent trouver à des colonnes de chiffres bien rangées, elles restent néanmoins naïves dans leur application à la réalité.
Outre que de définir l’électeur comme un vulgaire portefeuille à deux pattes, sans autre préoccupation que la prévisibilité de leur budget, cette stratégie pourrait éventuellement être nuisible à François Legault, sur un plan stratégique. En effet, il concentre et limite ses interventions lors de la campagne électorale à des commentaires purement économiques, voire fiscaux. La CAQ n’a aucun apport utile et novateur dans les débats identitaires sur lesquels mise Pauline Marois. Qui plus est, l’interlocuteur naturel du PQ dans ces dossiers, le Parti libéral du Québec (PLQ), tentera lui-même de détourner le discours vers des thèmes économiques. François Legault est ainsi réduit par sa propre faute à un rôle impertinent de deuxième avis, commentateur distant des faits et gestes des deux prétendants « sérieux » à la primature.
L’incohérence de la CAQ avec la réalité politique québécoise – et canadienne – est pourtant beaucoup plus fondamentale. Son message politique est condamné à tomber dans l’oreille d’un sourd. Sondage après sondage, étude après étude, depuis 1945, les Canadiens et particulièrement les Québécois croient en la nécessité d’un – et désirent un – gouvernement jouant un rôle actif dans la société. Toute la rhétorique, édulcorée certes, empruntée à la droite fiscalement conservatrice de l’Ouest canadien (ou américain) ne réussit donc pas à rejoindre une part suffisante de l’électorat.
C’est donc un moyen que François Legault tente de nous vendre comme une fin en soi : le fétichisme de l’équilibre budgétaire. Heureusement, cette approche ne trouve pas la résonance que lui voudraient les caquistes. Continuons de vouloir, donc, pour la CAQ, l’impertinence qui a été jusqu’à maintenant sa marque de commerce.