« Il y a aussi de la grandeur chez les petits tout comme il y a de la petitesse chez certains grands ! » affirmait Goldoni. Ce grand auteur de théâtre italien, né au début du XVIIIe siècle, a été l’instigateur d’une importante réforme théâtrale dans son pays, dont la scène était monopolisée par la Commedia dell’arte, un théâtre masqué, improvisé et caricatural où des personnages récurrents tels Arlequin et Pantalon faisaient rire les foules par un langage corporel exagéré et clownesque. Goldoni, lui, privilégiait l’importance du texte théâtral tout en dépeignant le réel de la vie vénitienne de l’époque, peu importe les classes sociales.
Le prolifique auteur, qui ne rêvait que de présenter ses pièces dans les plus grands théâtres vénitiens, s’est attiré les foudres de certains contemporains, plus traditionnels et souvent issus de la noblesse vénitienne, lesquels étaient menacés par son succès et les propos peu flatteurs qu’il partageait sur leurs mœurs. Le créateur de Commedia, Pierre-Yves Lemieux, n’a pas voulu faire un récit biographique de Goldoni, mais plutôt le portrait d’un homme fatigué des querelles artistiques avec ses contemporains et au bord de l’exil vers la France, où il meurt miséreux en 1793. La pièce est donc une succession d’événements à divers moments de la vie de Goldoni, à 12 ans, 30 ans ou 55 ans, où sont également présenté ses grands contemporains tels Tiepolo, Longhi ou Vivaldi.
D’une part, Commedia plaît par la réflexion plus large qu’elle suscite sur l’écriture théâtrale et la marchandisation de l’art. Les six acteurs versatiles, dont Luc Bourgeois et Martin Héroux, jouent tour à tour une dizaine de personnages, et ce sans confondre le spectateur. D’autre part, les décors et les costumes sont justes, rappelant l’univers de peintres comme Canaletto et autres artistes vénitiens italiens dont l’œuvre a récemment été exposée au Musée des Beaux-Arts avec « Splendore a Venezia » (voir Le Délit du 29 octobre, volume 103 no 07).
Cependant, Commedia étourdit par sa succession de scènes non linéaires celui ou celle qui ne connaît pas nécessairement en détails la biographie ou l’œuvre complète de Carlo Goldoni. Commedia fait constamment référence à des pièces du répertoire de Goldoni, citant tantôt un extrait, tantôt un personnage phare, et le spectateur ne reconnaissant pas l’œuvre s’en voit plus confus, se perdant parfois dans le fil narratif.
Malgré cela, la pièce vaut le détour pour tous les amateurs d’histoire théâtrale et vénitienne, et surtout pour ceux qui connaissent et admirent l’œuvre colossale de Carlo Goldoni. Soulignons également l’apport considérable du Théâtre Denise-Pelletier dans l’éducation théâtrale et littéraire de milliers d’écoliers chaque année, alors que son directeur artistique des vingt dernières années, Pierre Rousseau, quitte son poste. L’institution accueille depuis cinquante ans des écoles primaires et secondaires en initiant plusieurs jeunes pour la première fois au théâtre, que ce soit par des textes classiques, contemporains ou issus du répertoire québécois.