Voici un dicton qui donne du fil à retordre ! Une nuit vous a‑t-elle déjà vraiment porté conseil ? Vous est-il arrivé de recevoir, sous la lune, une illumination qui ait réellement changé la façon dont vous vous apprêtiez à envisager un problème ? Ne vous êtes-vous jamais, au contraire, réveillé angoissé à l’idée de devoir gérer une situation ? Il peut arriver, je vous le concède, que la nuit permette de combler un manque de sommeil qui empêche de réfléchir « à tête reposée ». Cependant, peut-on vraiment prétendre que ce soit la nuit qui ait porté le conseil et non le répit cérébral ? Je me méfierais de l’association rapide et douteuse qui place « dormir » entre les crépuscules. Étudiants, vous serez à même de comprendre ce que je veux dire. Que celui qui n’a jamais passé une nuit blanche, penché sur un travail ou bien galopant d’un bar à l’autre ne dorme pas ce soir ! Il admettra alors volontiers, lui aussi, que ces heures nocturnes ne sont pas les plus propices à l’émergence d’un jugement.
Le dicton est, de façon évidente, à nuancer. Une proposition telle que « le sommeil porte conseil » se rapprocherait de la justesse quant au propos tenu.
Cela dit, nous ne pouvons mettre la nuit de côté de la sorte puisqu’elle est, justement, le sujet sur lequel nous étions en train de nous pencher si assidument. Je vous propose donc de changer de lunettes et d’y voir le verbe « nuire » conjugué à la troisième personne du singulier au présent de l’indicatif. Une petite homonymie qui nous permettra d’avancer sur le chemin de l’idée.
À propos de « porte », procédons inversement pour obtenir une porte. Cela nous permettra d’en ouvrir une sur un nouveau dicton.
Pour ce qui est du conseil, je vous propose de ne pas nous embarrasser de termes qui pourraient paraître insultants, ne gardons que « seil ». « Seil » ne veut rien dire ? Bien, profitons des multiples prononciations de la lettre « e » dans la langue française et optons pour le « eu ». Troquer trois lettres contre un petit « u » ne me semble pas relever de l’ajout excessif. Nous voici munis d’un seuil.
Récapitulons. Nous avons un seuil et une porte. Nous savons aussi que l’un nuit à l’autre.
Si c’est la porte qui nuit au seuil, cela implique que les deux configurations possibles de la porte (ouverte ou fermée) posent un problème à l’entrée en matière. Je vous l’accorde, quoi de plus désobligeant que d’enfoncer une porte ouverte ? Mieux vaut donc qu’elle soit fermée. Pour être fermée, il lui faut exister.
Après cette déduction par élimination, il nous reste : « Le seuil nuit à la porte ». Dicton qui m’apparaît mettre justement des mots sur l’attitude malheureuse qui consiste à rester coincé au seuil. Entre un pas pour le franchir, ou une nuit pour y réfléchir, tout dépend de la porte.