Construire, ce n’est pas nécessairement ordonner le chaos inhérent à l’instant d’explosion temporelle. Physiquement, c’est peut-être simplement apprendre à se glisser dans la houle sur une embarcation adaptée. Adaptation. Construction adaptée à son milieu. Construction prenant naissance d’abord dans une opposition, celle du mouvement avec l’immuable ; puis grandissant dans un grand blanc structuré par sa mobilité.
« Je me souviens que je suis né sous le lys et que j’ai grandi sous la rose ». À redescendre au passé, souvenons-nous avoir traversé les mers jusqu’au monde nouveau, le monde blanc, celui de l’hiver. L’image qui me jaillit hors de l’esprit est celle d’une rose en hiver sous quelques arpents de neige. Ainsi le lys qui nous donna naissance, à nous conducteurs des routes du Québec, nous abandonna-t-il à l’exil. Un exil froid, chaud, rude et doux, un paysage blanc au large d’un monde encombré. Une ville où la neige se déploie dans les rues comme des volts dans l’air, vous rappelant la désorganisation organique d’un monde, sa profondeur et sa proximité, sa précision et son étendue. Une ville jeune qui n’a pas encore fêté sa quatre centième année et qui, pourtant recèle d’une histoire construite par la diversité de ses habitants. Montréal n’est pas le gruyère parisien, ni berlinois et pourtant, c’est en descendant dans ses sous-sols qu’on y retrouve le niveau zéro de construction, la strate initiale. Reconstruire un passé, redescendre jusqu’au présent, celui où naît inévitablement la trajectoire future.
Une onde maritime arpente le Saint-Laurent, au passage nous rappelle le « facteur vent », nous entoure alors que nous la bravons par les ponts, cette puissance océanique qui nous précise notre condition de population insulaire. Une île cosmopolite. Une ville dans le cosmos, à la recherche du « politicaly correct » qui va parfois jusqu’à en oublier le « profoundly correct ».
Gwenn Duval | Le Délit