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Des paroles aux actes

L’OMS publie un rapport sur la prévention du suicide. 

Alexis de Chaunac

À travers le monde, une personne met fin à ses jours toutes les 40 secondes, selon le premier rapport mondial sur la prévention du suicide publié par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dans le communiqué publié à l’occasion de la 12e Journée mondiale de la prévention du suicide le 4 septembre dernier, l’organisme appelle la communauté internationale à une prise de conscience commune afin d’agir contre un phénomène qui est devenu un véritable problème de santé publique.

Le suicide n’épargne aucun pays ni tranche d’âge. Les hommes sont toutefois plus touchés que les femmes, une tendance qui triple dans les pays industrialisés. Fait notable du recensement, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15–29 ans. Loin d’être un simple compte rendu,  la publication se veut plutôt un tremplin vers l’action solidaire, comme l’explique le Dr Shekhar Saxena, directeur du Département Santé mentale et abus de substances psychoactives de l’OMS : « Ce rapport, le premier publié sur le sujet par l’OMS, dresse un panorama complet du suicide, des tentatives de suicide et des efforts fructueux de prévention dans le monde. Nous savons ce qui fonctionne. Le temps est maintenant venu d’agir. » Concrètement, l’OMS s’engage à réduire le taux de suicide global de 10 % d’ici 2020, une initiative qui devra trouver son écho à travers les politiques publiques des gouvernements pour être réalisable. 

Un fait de société

Des experts en santé mentale soutiennent que le suicide dépasse largement la sphère de l’individu. Jérôme Gaudreault, directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), est de cet avis : « On a longtemps cru que le suicide était un problème individuel et une fatalité, ce qui est faux. » Angelo Soares, professeur au Département d’organisation et ressources humaines de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), estime que le milieu du travail actuel est entre autres particulièrement propice au développement de la détresse mentale. Selon lui, le manque de cohésion, la surcharge de travail et le harcèlement psychologique sont les trois variables ayant le plus grand impact sur la santé mentale des employés. « La quantification à outrance des objectifs de performance et la précarisation de l’emploi influent directement sur l’estime de soi des travailleurs », explique-t-il. La perte de sens du travail, voire de la vie en général, qui s’ensuit contribuerait à nourrir la pensée suicidaire.

Comment prévenir le pire ?

L’OMS rapporte que le meilleur moyen de prévenir le suicide demeure de limiter l’accès aux moyens les plus fréquemment utilisés. L’organisme encourage également les gouvernements à élaborer un plan d’action concret, ce dont seuls 28 pays dans le monde sont dotés. Enfin, la presse est invitée à couvrir de façon responsable le phénomène ; les cas de décès par suicide, principalement des adolescents victimes d’intimidation, dont les méthodes utilisées sont décrites de manière explicite, tapissent fréquemment les manchettes des médias à sensation. 

Dans son dernier communiqué, l’AQPS estime que la prévention du suicide passe par la construction d’une « communauté solidaire » et le tissage d’un « filet humain » autour des individus souffrant de détresse mentale. Le Grand forum de la prévention du suicide aura notamment lieu du 14 au 16 octobre prochain à Québec afin d’établir les mesures à prendre à travers la province. Selon le professeur Soares, une profonde réorganisation des milieux professionnel et académique serait prioritaire. À l’université comme au travail, le respect et la reconnaissance en termes de qualité plutôt que de quantité devraient faire partie intégrante du quotidien des travailleurs. La santé mentale des individus serait ainsi préservée tout en assurant un rendement plus performant. Selon l’OMS, le constat est clair : le phénomène du suicide ne peut plus être traité comme une fatalité ; son omniprésence alarmante et son caractère indubitablement social exigent qu’il soit pris en charge par les communautés et les gouvernements du monde entier.


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