La nation atikamekw a proclamé sa souveraineté dans Nitaskinan, un territoire de 80 000 km carrés situé en Haute-Mauricie, dans un communiqué diffusé le lundi 8 septembre. Le communiqué stipule que le consentement de la nation atikamekw doit être « une exigence pour tous développements, usages et exploitations de ressources situées dans Nitaskinan ». Le lendemain, le Grand Chef atikamekw Constant Awashish a remis une lettre officielle contenant les revendications de sa communauté au premier ministre Philippe Couillard, qui a réagi par un « appel au calme » qui déçoit la communauté autochtone.
La communauté atikamekw affirme qu’elle entend appliquer sa souveraineté notamment en « exer[çant] sa gouvernance territoriale sur l’ensemble de Nitaskinan » et en faisant de son consentement une « exigence » pour le développement du territoire qui lui appartient. La « défense [du] mode de vie [traditionnel] et [des] aspirations » de la communauté doivent guider les décisions qui sont prises ; de plus, « la pérennité des ressources de Nitaskinan devra être assurée et l’occupation traditionnelle [du territoire] respectée ».
Après plus de 35 ans de négociations qui n’ont mené nulle part, les nouvelles revendications « fermes et immédiates » des Atikamekw ont été influencées par le jugement unanime rendu en juin dernier en faveur de la communauté Tsilhqot’in, en Colombie-Britannique. La Cour suprême avait alors reconnu un « titre ancestral […] sur un territoire de plus de 1750 kilomètres carrés » à la nation. Selon le chef du conseil des Atikamekw d’Obeijiwan, Christian Awashish, cette décision limite « le pouvoir du gouvernement provincial sur le développement des ressources naturelles » en mettant en avant les droits des Premières nations.
Invité à l’émission Le 15–18 à l’antenne de Radio-Canada, Constant Awashish souligne que « les Atikamekw, tout comme les Tsilhqot’in de Colombie-Britannique, n’ont pas cédé ou vendu de territoire et n’ont jamais signé de traité [avec le gouvernement canadien]». La communauté devrait donc conserver tous les droits sur le territoire qui lui appartient et donc prendre les décisions concernant son développement.
Réaction du premier ministre
M. Awashish a officiellement remis la lettre contenant les revendications de sa communauté au premier ministre du Québec Philippe Couillard lors d’une rencontre avec l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador mardi dernier. Le premier ministre a réagi en minimisant l’importance de la situation, affirmant qu’«ils [les Atikamekw] demandent beaucoup la cogestion, la collaboration, la consultation, ce qu’on veut faire de toute façon ». Il rappelle que le projet d’entente concernant la gestion et le développement des ressources naturelles et du territoire, entériné par les chefs atikamekws, mais rejeté par une des communautés lors d’un référendum en décembre 2013, est toujours sur la table. M. Couillard souhaite « retourner à la table de négociations » pour conclure cette entente qu’il qualifie d’«excellente ».
Philippe Couillard remet également en question le poids du jugement rendu en Colombie-Britannique à la faveur des Tsilhqot’in cet été, affirmant que le gouvernement est déjà dans une logique d’accommodation avec les communautés autochtones vivant au Québec. Selon lui, ce n’est donc pas un argument valable pour justifier l’indépendance des Atikamekw. Il rappelle, de plus, que les Premières nations sont tenues de respecter les lois provinciales, s’appliquent à l’ensemble du territoire québécois.
Déception
Du côté atikamekw, les chefs se disent « déçus » de la réaction du premier ministre. Ils déplorent « les phrases creuses » de Philippe Couillard et s’offusquent que leurs revendications ne soient pas prises au sérieux. Ils s’indignent qu’il n’y ait toujours pas eu de rencontre officielle entre le premier ministre québécois et la nation atikamekw ni de réponse concrète à leurs demandes pourtant « fermes et immédiates ».
Constant Awashish, à l’émission radio Le 15–18, assure que sa nation « ne veut pas arrêter tout le développement sur le territoire. On est pour le développement ». Le Grand Chef favorise les négociations avec le gouvernement pour obtenir le respect des droits de sa communauté, mais se dit prêt à utiliser « tous les moyens qu’il jugera appropriés pour la défense de ses droits et de ses intérêts ». Lors de l’été 2012, les Atikamekw avaient déjà dressé des barrages sur des routes de la Mauricie dans le but de forcer le gouvernement à « reprendre les négociations pour la reconnaissance de leurs droits territoriaux ».