« Pour tout changer, nous avons besoin de tout le monde ». Ce leitmotiv inventé par le principal organisateur de la Marche des peuples pour le climat, 350.org, a pris un sens lorsqu’une vague de manifestants a déferlé dans les rues de Manhattan, dimanche dernier le 21 septembre. Plus de 310 000 personnes, selon les organisateurs (100 000 selon une source policière non-officielle), ont convergé vers New York pour exprimer leur mécontentement envers les pratiques nuisibles à l’environnement mises en place par la plupart des gouvernements, grandes entreprises et institutions financières du monde. À l’approche du Sommet sur le Climat de l’ONU, ce mardi, dans la même ville, leur but était aussi de demander des changements de politiques immédiats, d’autant plus que le Secrétaire général de l’organisation, Ban Ki-Moon, qui était par ailleurs présent à la marche, souhaite un réel progrès dans ce sens. Financé par l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) et 350.org, Divest McGill a pu louer un bus pour permettre à une quarantaine d’étudiants de McGill et Concordia de participer à l’événement.
Ils étaient des milliers à se lever contre le changement climatique : jeunes et vieux, étudiants, syndicalistes, professeurs, tous de divers courants politiques et religieux;. Cette horde hétéroclite avait pourtant un objectif commun. Amina Moustaqim-Barrette, de Divest McGill, se dit inquiétée par cette diversité qui révèle l’ampleur d’un problème qui touche un nombre croissant de personnes. Derrière des slogans écologistes comme « Protégeons notre Mère », « Eau potable ! » ou « Énergie nucléaire ? Non merci », les manifestants ont remis en question nos priorités d’investissement, notre mode de consommation et le pouvoir des compagnies exploitant les énergies fossiles. Malgré un pacifisme irréprochable, l’atmosphère était marquée par une vraie lassitude à l’égard du comportement des classes dirigeantes qui font continuellement passer « les profits avant la vie ».
Il est à noter qu’un nombre considérable de membres de diverses Premières Nations se sont aussi joints à la manifestation. Des performances musicales et artistiques à des formes d’expressions beaucoup plus sobres, ils n’ont cessé d’appuyer que leur participation au mouvement est cruciale. Elizabeth Hoover, activiste autochtone et professeure assistante d’Études Américaines et d’Études ethniques à l’Université Brown, fait parti des manifestants . « Le changement climatique inquiète [les communautés autochtones], puisqu’il pourrait avoir un impact sur leurs plantations, explique-t-elle au Délit. Ces gens cultivent la terre depuis des milliers d’années, ils ont un héritage lié à un climat spécifique. Ils seraient donc très rapidement touchés. »
Et à Montréal ?
Une autre marche pour le climat, en soutien à celle de New York, a eu lieu à Montréal le même jour. Entre 3000 et 5000 personnes sont venues prendre part aux animations puis à la marche reliant le Parc Lafontaine au Parc Jeanne-Mance, et ce,malgré la pluie annoncée. Ce rassemblement est l’initiative du site Avaaz.org, qui a aussi organisé plusieurs autres marches pour le climat dans le monde. Aucun parti politique local n’a participé à l’organisation de la marche à Montréal, même si certains d’entre eux, comme Québec Solidaire ou le Bloc Québécois, étaient présents. « Nous voulons envoyer le message aux politiciens que l’environnement est important pour nous et qu’on doit [mener] des actions maintenant » commente Jenny Loughran, une des coordonnatrices principales de la marche.
Le gouvernement fédéral de Stephen Harper était notamment pointé du doigt à plusieurs reprises par les organismes participant au rassemblement dimanche et en colère contre les décisions du gouvernement en matière d’environnement. Par exemple : le projet de construction de la Ligne 9, un pipeline pour transporter les sables bitumineux à travers la province du Québec. Alain Brunuel, directeur climat énergie de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), exprime son mécontentement contre le Premier ministre Harper. Il accuse la constitution canadienne d’autoriser les gouvernements fédéraux à faire passer des pipelines à travers les provinces.
Les universités au premier plan
Bien qu’ils fussent minoritaires, les corps étudiants et professoraux étaient bien présents. De nombreux groupes militant pour que leur université désinvestisse des énergies fossiles, tels que Divest NYU, la Coalition environnementale des étudiants de Yale, ou Divest McGill étaient présents à la marche. Ils n’ont pas cessé de mettre l’accent sur le rôle de la nouvelle génération dans le mouvement. Le Délit a pu avoir des entrevues avec certains d’entre eux. « C’est la plus grande marche climatique de l’histoire. Le changement climatique est un problème, et nous allons le régler », revendiquent trois étudiants de l’Université Yale. D’autre part Amina Moustaqim-Barrette est satisfaite de la participation des étudiants de McGill. « C’est vraiment incroyable qu’on ait pu représenter les étudiants de McGill et faire partie d’un moment historique comme celui-là. Il faut continuer de montrer à notre gouvernement et à l’administration de McGill qu’on ne sera pas complice dans la destruction de notre planète, et qu’il est fort temps que le système change », affirme-t-elle.
« Les gouvernements et les grosses compagnies devraient fournir des subventions à la recherche universitaire. Surtout les entreprises en fait, puisque ce sont elles qui en tirent tous les bénéfices », explique Bill Smith, professeur de philosophie à l’Université de la Ville de New York. « Le changement climatique est réel, tout le monde le sait, le vrai désaccord est autour de ce qui le cause. [Si nous en savions plus sur le sujet,] nous pourrions en tirer des solutions. C’est là que les politiques entrent en jeu. »
Un pas dans l’histoire
Les organisateurs décrivent l’événement comme la plus grande marche environnementale ayant jamais eue lieu, en termes de nombre de manifestants ; un moment historique. Plus de 125 chefs d’État et des cadres supérieurs de compagnies telles que McDonald’s ou Coca-Cola seront présents au Sommet du 23 septembre, selon CBC News. Il est à préciser que le Premier ministre canadien, Stephen Harper, n’y assistera pas. À la suite de cette conférence, ils se réuniront de nouveau à Paris, en décembre 2015, pour signer des accords coercitifs à ce sujet. À l’heure où les ouragans se font de plus en plus fréquents et la banquise de plus en plus mince, la communauté internationale semble avoir besoin de mécanismes légaux pour contrôler efficacement les abus de certains États ou firmes. Le danger d’un accord qui tombe en désuétude reste cependant important. L’échec du Protocole de Kyoto est encore un souvenir bien amer pour les écologistes.