La parole est intime, tantôt naïve, tantôt critique. Marie est assise sur le divan ou dans l’alcôve sombre, suivant que vous soyez psychologue ou prêtre. Elle déballe son sac, chronologiquement, avec douceur et attention. Elle retrace tout. La catéchèse ; la place de l’Église dans sa petite enfance ; le rôle de chacun de ses parents —le pratiquant et l’athée—; sa perception du rite chrétien ; l’inimitié avec sa sœur ; les premières amitiés — Laurence puis Nathalie —; les chicanes de cour d’école ; les chimères de l’enfance ; son désir d’ « être bonne» ; tout cela jusqu’à l’explosion adolescente.
Dieu mort, une autre prend sa place. Elle s’appelle Ximena et Marie la suit partout. Amitié de premières de classe, leur relation est aussi passionnelle qu’inégale. Marie se soumet, se laisse mener, impressionnée par cette intrigante aux allures d’Emma de La vie d’Adèle — la compagne d’insurrection adolescente par excellence. Ximena devient le « Verbe » de Marie, la maîtresse de sa vie lumineuse, antagoniste de ses désirs honteux pour d’autres hommes, désirs qui ne tarderont pas à prendre le dessus. Mais le schéma reste le même : Marie déifie la personne avec qui elle est. Elle joue la chanson cent fois jouée de la victime et du bourreau. Toute sa connaissance biblique y passe. Untel est Dieu sauveur, l’autre est Dieu vengeur, celui-là a « la foi en la vie », celui-ci se laisserait « crucifier » sans coup férir.
Une vie se déplie ainsi à essayer de trouver l’équilibre. Marie connait la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, la mort aussi. Et lorsqu’enfin elle se pense détachée, qu’elle a trouvé l’amour — ou ce qui lui ressemble le plus — c’est d’un mystère qu’elle se rapproche. Sa souffrance ne lui donnera rien si elle reste souffrance, il lui faut la transformer en amour, accepter que la relation avec l’autre relève du domaine de la « foi ». Morale, somme toute, très catholique. Et comment y échapper, puisque ce récit d’apprentissage, cette introspection, est lui-même modelé sur la logique du témoignage. Tout y est dit, du grotesque au sublime : la naïveté enfantine, le romantisme adolescent (qui lui fait annoncer son plan de suicide à sa meilleure amie), la prise de conscience du corps et de l’intellect, la lassitude, l’envie, l’orgueil, le sexe. Même si quelques lieux communs sur la flagellation judéo-chrétienne auraient pu être évités, Une éducation catholique est un roman admirable de fluidité autant que d’intérêt pour nourrir la réflexion personnelle.