« WikiLeaks est une organisation médiatique non lucrative. Notre but est d’apporter des informations et actualités importantes au public. […] Les principes sur lesquels se base notre travail sont la défense de la liberté d’expression et de la publication médiatique […]». C’est ainsi que se décrit le site de publication libre et anonyme en ligne, créé en 2006 par l‘Australien Julian Assange. Basé sur la notion de liberté d’expression chère au fondateur, le site a grandi avec l’aide de bénévoles recrutés sur la Toile : journalistes, informaticiens, universitaires… WikiLeaks n’a pas de siège, fonctionne avec très peu d’employés, mais des milliers de bénévoles. Il y existe une sorte de conseil d’administration composé de neuf « conseillers », qui a le rôle de gérer le site, mais en aucun cas celui de censurer. Libre à chacun d’y publier des documents pour dénoncer scandales et injustices. Dans les quelques semaines suivant le lancement, les documents ont afflué ; et Assange s’est fait un point d’honneur à démarcher les médias pour plus d’efficacité dans la diffusion et faire des recherches sur la véracité des révélations.
Puis le site a commencé à s’attaquer au géant américain avec « Dégâts collatéraux » – une vidéo illustrant le mitraillage de civils à Bagdad –, et par des milliers de pages de documents secrets des Forces armées des Etats-Unis sur l’Afghanistan. Assange est alors propulsé au premier rang de la scène médiatique. Depuis la création du site, il était souvent invité à parler à de nombreuses conférences universitaires, récompensé par des organisations telles qu’Amnistie Internationale et la Fondation Sydney pour la Paix. Mais son nouveau statut d’ennemi public des États-Unis et des plaintes pour agressions sexuelles sur deux femmes l’ont alors poussé à se réfugier au sein de l’ambassade équatorienne de Londres en 2012, où il réside encore aujourd’hui, reclus. Au même moment, WikiLeaks continuait ses attaques envers la crédibilité de l’armée américaine, publiant d’autres documents sur la guerre en Irak.
Les informations confidentielles qui ont été dévoilées au grand public ont coûté à l’armée américaine le secret de ses stratégies.
En conséquence, plusieurs soutiens du site se sont rétractés un par un, soucieux de l’omission de cacher l’identité de certains collaborateurs, et ainsi sauver leur peau.
Petit à petit les critiques affluent de l’intérieur. Plusieurs collaborateurs proches du fondateur le décrivent comme ayant toujours besoin d’emporter le dernier mot. En 2011, l’ancien porte-parole de WikiLeaks, Daniel Domscheit-Berg, lève le voile sur les coulisses de l’organisation. Loin de ravaler son soutien envers les convictions sur lesquelles se basait originellement WikiLeaks, son livre dresse un portrait peu sympathique de Julian Assange, et dénonce certains manques de transparence dans la gestion du site. Domscheit-Berg y démentit, entre autres, l’illusion diffuse que le site est le résultat de la collaboration entre des milliers d’internautes. Elle serait plutôt tirée de l’utilisation de nombre de pseudonymes, des alias d’Assange, rendant opaques les réelles contributions. Autre chef d’accusation, celui que WikiLeaks aurait reçu des financements par les chaînes de médias en échange de la diffusion de la vidéo « Dégâts collatéraux ». « Le fait de recevoir de l’argent pour diffuser […] m’a laissé un mauvais arrière-goût dans la bouche », écrit Domscheit-Berg.
Le livre et les critiques ont attaqué Julian Assange au vitriol, mais non sans louer auparavant son charisme et sa volonté de fer. Bien que souvent décrit comme mythomane, vantard, égotiste, la tête grossie par l’intérêt des médias, et potentiellement coupable d’agressions sexuelles, Julian Assange reste, au-delà des controverses, un symbole du combat pour la liberté d’expression au XXIe siècle. Le Royaume Uni a formulé la promesse d’une extradition vers la Suède si Assange décidait de poser ne serait-ce qu’un pied en-dehors de l’Ambassade. En attendant que la situation évolue, il ne reste à Assange que l’attente.