Au nom de la lutte contre le terrorisme, la NSA intercepte chaque jour des milliards d’appels téléphoniques et de courriels. Greenwald l’accuse de procéder quotidiennement à une « élimination complète de la vie privée à l’âge digital », suivant ainsi à la lettre sa devise : « Collect it all » (« Tout recueillir »).
Greenwald voit en Internet une plateforme sans limite qui sait donner la parole aux plus petits acteurs, et qui a eu la force de révolutionner l’accès à l’information en tout lieu, en tout temps. Malheureusement, explique-t-il, d’outil de démocratie, Internet est devenu un outil d’oppression. Tout le paradoxe qu’il trace repose sur la notion de consentement tacite. Beaucoup d’entre nous ont peu ou rien à cacher de leur historique. Ainsi, aucun sentiment de culpabilité ne nous accable individuellement ; par conséquent nous ne nous sentons pas menacés par un système vicieux de surveillance de masse qui, par ailleurs, est une violation illégale de notre vie privée.
Quand on parle d’illégalité à l’ex-avocat, il fait une moue de désintérêt. Ce qu’il expliquait jeudi, c’est que l’évidente infraction à la constitution américaine par la NSA n’est pas ce qu’il a retenu de plus choquant durant ces seize mois. La plus grande leçon, dit-il, c’est la réalisation que nous, Occidentaux, ne vivons finalement pas dans cette jolie démocratie qu’on nous enseigne à l’école. Les pratiques de la NSA sont une totale subversion de notre idéal de gouvernement.
Snowden n’a pas choisi Glenn Greenwald entre des milliers de journalistes par hasard. Il a su voir en lui, peut-être, un homme qui ne reculerait pas devant la charge du scandale, ni devant le mastodonte qu’est la NSA. De même, il n’a pas choisi un journaliste du Guardian pour rien. Les grands titres de la presse ont souvent trop de relations avec l’État pour être totalement libres d’influence — voire de censure — lors de la publication de leurs scoops. Le Guardian représentait un titre à plus petite échelle, un peu moins emmêlé dans les cordons du gouvernement américain.
S’en est suivie, dans le discours de Greenwald à McGill, toute une leçon sur ce qu’est le journalisme aujourd’hui, sur ce qu’il devrait être, et sur les facteurs de ses évolutions diverses. Glenn Greenwald déplore qu’on essaie de plus en plus d’écrire des articles objectifs, dénués d’engagement, qui s’en tiennent aux faits. Il regrette ce manque de passion dans le journalisme qui lui a donné une logique d’entreprise.
C’est là qu’intervient Internet : l’accès à un public moins restreint, mais surtout, un haut-parleur universel. Internet a donné à l’individu le pouvoir d’influencer une vision du monde. Snowden est un exemple parmi des milliers, mais on ne cesse de remarquer l’importance de la Toile dans tous les mouvements démocratiques : le printemps arabe, les révoltes récentes à Hong Kong… Greenwald conclut sa conférence sur un mot de sagesse aux accents révolutionaires : n’importe quelle institution qui a été construite par les hommes peut être déconstruite par les hommes, tant qu’il y a des passionnés.