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L’ordre au-dessus de la paix

Rassemblement commémoratif annuel pour les victimes de bavures policières.

Emma Combier

Plusieurs associations et sympathisants se sont réunis sous la bannière de la Coalition Justice pour les Victimes de Bavures Policières devant la Fraternité des policiers et policières de Montréal le mercredi 22 octobre. Pour la 5ème année consécutive, ce rassemblement commémoratif composé d’une cinquantaine de manifestants et de familles de victimes de violences policières a brisé le silence sur le nombre de victimes : plus de 90 depuis 1987 à Montréal. Ce chiffre, fourni par la Coalition Justice pour les Victimes de Bavures Policières, est étonnement introuvable ailleurs. Aucune source gouvernementale ne peut le confirmer ou le nier, étant donné qu’il n’existe pas de chiffres officiels concernant la violence sur les civils par le SPVM.

Sur les causes permettant de justifier le SPVM dans leurs actions, peu ou rien n’est dit lors de la manifestation. Il ne s’agit que de témoigner pour revendiquer la mémoire et la paix civile, ou dans les mots de Stella Jeté, sympathisante connue de la scène musicale montréalaise et membre du collectif Kalmunity : « Les forces de l’ordre ont oublié que ce sont nos agents de la paix ».  [Le SPVM, absent au rassemblement – quoique quelques policiers observaient l’événement derrière les portes de la Fraternité – ne se prononce pas su le sujet].Devant le micro, les familles défilent et les témoignages s’accumulent. Josiane, notamment, raconte dans quelles circonstances est mort son compagnon Jean-François Nadreau en 2012. Elle avait appelé le 911 après que l’homme, pris d’une crise, avait commencé à s’entailler. Cinq policiers armés ont été envoyés à la place de l’ambulance qu’aurait espéré Josiane.  « Il y avait une arme de collection posée sur le meuble ; les policiers étaient très impressionnés en la voyant et ont tout de suite agi avec violence pour retenir Jean-François ; peut-être de peur qu’il ne l’utilise alors que ce n’était qu’une arme blanche. Jean-François se débattait et c’est pourquoi ces cinq policiers l’ont abattu, lui qui était seul et désarmé », décrit-elle.

 Intouchables

Depuis mai 2012, le règlement P‑6 ou « Règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics, et sur l’utilisation du domaine public » encadre le droit de manifester en faveur du pouvoir exécutif qui en est largement renforcé. Du 5ème paragraphe de ce règlement, fait de lacunes législatives accordant un grand pouvoir d’interprétation aux services de l’ordre, est à souligner l’extrait suivant :  « lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire que la tenue d’une assemblée, d’un défilé ou d’un attroupement causera du tumulte, […] le comité exécutif peut, […] interdire pour la période qu’il détermine, en tout temps ou aux heures qu’il indique, […] la tenue de toute assemblée, tout défilé ou attroupement ». Le 14 février dernier s’était tenue une manifestation sœur, servant à protester contre l’action policière. Au bout de dix minutes elle avait été déclarée illégale et dissoute conformément avec l’article 5 du règlement P‑6.

François du Canal, membre du Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP), à déclaré lors du rassemblement de mercredi que : « depuis le P‑6, les manifestations annuelles du 15 Mars ont été interdites en l’espace de quelques minutes et par le fait d’une arrestation de masse. Avant, il fallait un motif de violence de la part des manifestants ; aujourd’hui avec le P‑6, le SPVM n’a plus besoin de prétexte pour les dissoudre. Des manifestations totalement légales et pacifiques sont donc interdites sans raisons valables ». Il note également le « surarmement », la « surenchère des pouvoirs » « l’intimidation », et la « peur » vis-à-vis des services de police ;  mais jamais ne se dit favorable à une police désarmée.

Les sympathisants se réuniront de nouveau le 15 mars 2015, pour la journée internationale contre la violence policière.


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