Lorsque McGill tente de s’exprimer, elle bredouille. C’est en tout cas ce que laisse penser le vote organisé par l’AÉUM (Association Étudiante de l’Université McGill), mercredi dernier. La question était de savoir si l’AÉUM devrait ou non exprimer sa solidarité envers les populations civiles des Territoires palestiniens occupés. Néanmoins, à l’issue du rassemblement, la proposition n’avait nullement été débattue. Bien au contraire, le débat s’est trouvé « reporté indéfiniment ». L’un des arguments avancé en faveur de cet ajournement s’inquiétait de la division du corps étudiant qu’occasionnerait cette clause contentieuse.
Cependant, la proposition n’avait rien de contentieux : tous s’accorderont pour condamner les violations des droits de l’Homme et l’oppression de populations innocentes — comme proposé par l’AÉUM à multiples reprises. De plus, les abus commis par l’armée israélienne s’avèrent un fait documenté par de nombreuses entités internationales, institutions juridiques et organisations tant palestiniennes qu’israéliennes. La discussion aurait certes pu porter sur l’étendue des condamnations en incluant les activités terroristes de tous bords. Toutefois, le contenu de la proposition n’aura pas eu l’occasion d’être amendé.
En effet, la discussion de mercredi dernier s’est plutôt portée sur la légitimité de l’AÉUM à s’exprimer au nom des étudiants sur de tels enjeux — une remarque tout à fait légitime. Cependant, cette préoccupation institutionnelle a pris le pas sur la question initiale. Ce détournement a permis à l’un des partis d’éviter de se prononcer sur une question humanitaire perçue comme une attaque identitaire : la condamnation d’Israël. Ainsi, la décision finale résulte d’un malentendu quant au contenu du vote. En fin de compte, il semblerait que de part et d’autre, la proposition aurait été entendue comme une prise de position politique concernant le conflit israélo-palestinien, plutôt qu’une considération éthique.
Le résultat de ce mercredi soir souligne certaines particularités du conflit israélo-palestinien. L’une d’entre elles concerne le problème de l’identité communautaire. Ce qu’on a pu constater lors de cette Assemblée générale était l’extrême polarisation entre « pro ou anti ». Cet attachement émotionnel pousse l’individu à confondre une critique envers un aspect de sa communauté — souvent indépendant de sa volonté — avec une attaque personnelle. Cependant, aucun État ne conduit de politique irréprochable. Ainsi, de telles violations des droits de l’Homme devraient être objectivement condamnées à domicile comme à l’étranger sans pour autant en revenir au débat « pro ou anti ».
Un détachement impartial est en effet chose rare dans tout débat émotionnel. Comme l’indique le vote de l’Assemblée générale, sans le recul nécessaire, les tensions se cristallisent autour d’un vote « oui » ou « non ». Ce genre de procédure unilatérale ne peut amener de résultats constructifs ; et subjuguer l’opinion de l’opposition ne résout pas un problème de cette envergure. Bien au contraire, il alimente le conflit en frustration. C’est pourquoi cette procédure s’est vue vouée à l’échec. Pour illustrer ce dernier point, une proposition similaire en faveur des droits des Palestiniens avait déjà connu les mêmes résultats en février 2009. Et tout laisse à penser que ce vote stérile sera à envisager de nouveau d’ici quelques années.
Plutôt que de proposer un référendum à la communauté mcgilloise, peut-être vaudrait-il mieux se tourner vers une sollicitation plus constructive. Par exemple, créer un espace pour un échange d’expériences et d’opinions familiariserait chacun des partis avec les idées opposées. Que ce soit au travers d’une semaine thématique, ou par l’organisation de tables rondes, plusieurs options permettraient une discussion instructive pour les étudiants. D’autre part, cela positionnerait McGill parmi les universités engagées dans le conflit de façon positive.
L’aboutissement de ce débat aura donc échoué, de par sa forme. Néanmoins, cet épisode aura permis de sensibiliser la population mcgilloise. Ainsi peut-on espérer une évolution dans l’approche du problème, pourvu que chacun se souvienne de ces conclusions.