Plus d’une centaine d’étudiants de l’Université du Québec À Montréal (UQAM) se sont réunis dans l’agora du bâtiment Judith-Jasmin, jeudi 20 novembre à 12h30, afin de dénoncer les agressions sexuelles commises par des professeurs sur des étudiants de cette même faculté.
Organisée par l’association Sycorax Hurlante en collaboration avec d’autres associations étudiantes dont l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), la manifestation n’avait pas été autorisée par l’université.
D’ailleurs, plusieurs activistes ont été « menacés de poursuite » selon Emmanuel Denizon, sympathisant proche des organisateurs de la démonstration. Selon lui, la directrice « des services à la vie étudiante » de l’UQAM, Diane Villancourt, soutenue par le syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ), aurait entrepris une démarche pour « déposer une mise en demeure et intenter une poursuite contre l’AFESH (l’Association facultaire étudiante des sciences humaines)».
« L’UQAM complice de la culture du silence »
Il y a deux semaines, les bureaux des professeurs accusés de viol, Eric Pineault, Jean-François Fillon et Eric Mottet, avaient été placardés d’autocollants incitant à briser le silence : « Harcèlement, attouchements, voyeurisme, agressions : tolérance zéro !». Ces images ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux, en commençant par la page des Hystériques, collectif féministe à l’UQAM, pour ensuite être partagées sur la page officielle de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH-UQAM). Jenny Desrochers, directrice à la division des communications, avait alors décrit ces actions comme « complètement inacceptables ». À la manifestation de jeudi, les sympathisants ont repris cette même technique « d’assaut », en placardant mur sur mur des autocollants annonçant : « Non à la culture du viol. Brisons le silence. L’UQAM doit agir ». Pendant ce temps, d’autres sympathisants vêtus de noir faisaient usage de pancartes pour cacher l’œil des caméras et permettre le passage continu des manifestants qui scandaient : « À nous nos corps, et pas à eux, tout ce qu’ils ont pris, ils l’ont volé ». Ayant ainsi bravé les services de sécurité de l’UQAM, la manifestation non-autorisée n’a pas été interrompue et s’est finie après deux heures. Elle avait débutée sur le brûlage collectif d’une chronique de Pierre Foglia parue dans La Presse le 11 novembre, où il se prononçait sur les accusations de viol à l’UQAM et plus largement sur la question du viol dans ces termes : « Le mari rentre émoustillé […] sa femme endormie dit non. Il dit oui pareil. C’est un viol. Sauf que le plus souvent elle ne dit pas non. […] Une agression sexuelle ? ». Sa chronique a déjà reçu les complaintes de plus de 247 785 lecteurs, selon des chiffres qu’il a lui-même avancé dans l’article « Bon ben voilà » paru le 17 novembre dans le même journal.
Sur les détails des agressions sexuelles présumées, rien n’est dit lors de la manifestation. La question fait unanimité et personne ne se prononce sur la nature des dénonciations publiques, sur leur légitimité, ou même sur leur véracité. D’ailleurs, nul ne veut se lancer sur le sujet, quand bien même de façon officieuse, et le climat est tendu. Les menaces de l’UQAM quant à la possible expulsion des étudiants impliqués dans les démonstrations ne sont pas prises à la légère même si la manifestation y répond tout en provocation. Alice, une étudiante en sciences politiques souhaitant rester anonyme, témoigne, bousculée par les événements : « les filles sont encouragées à rester dans la peur, le silence et la honte ; et c’est par leurs propres institutions, par leur propre université. »
La manifestation se dissout dans une colère pleine d’enthousiasme, avec comme réclamation : « UQAM, nous revendiquons une cellule d’intervention pour les survivantes. ». À défaut d’une réponse de l’Université, les associations ont pris le devant sur cette demande et proposent un « atelier de formation pour soutenir les survivantes d’agression sexuelle » le jeudi 29 novembre entre 10h et 13h à l’UQAM.