Le conseil de rédaction d’un journal français a été décimé mercredi dernier, incitant des réactions multiples à l’échelle mondiale. Les rassemblements spontanés en hommage aux victimes ont vu confluer des individus aux motivations pourtant parfois différentes. Pour certains, c’est la France qui retrouve en elle la solidarité qu’on disait perdue. Pour d’autres, c’est la démocratie en occident qui doit être défendue par les citoyens qui descendent dans la rue. Malheureusement, c’est aussi un terrain fertile aux clivages idéologiques que labourent les événements récents.
L’intérêt des divergences d’opinions est manifeste : comment réfléchir lorsqu’on écarte ce avec quoi on n’est pas d’accord ? Je constate tristement que la liberté d’expression est devenue prétexte à des amalgames pernicieux. Je ne parle pas des amalgames entre l’islam et le terrorisme qui ont été rapidement sujets à des mises en garde. Je parle du cocktail explosif qui mélange liberté d’expression, insultes, mépris des minorités et mécompréhension des plaisanteries.
Je ne crois pas que la leçon à tirer de la tuerie dans les bureaux de Charlie Hebdo soit : « toute blague est bonne à faire en tout temps ». Il est des blagues qui blessent et ce n’est pas de bien vivre ensemble que d’oublier les potentielles réceptions des plaisanteries délétères. Rien ne justifie la violence qui a été commise. Cependant, cette violence ne justifie pas non plus que l’on radicalise la liberté d’expression au point de ne pas remettre en question les atteintes que peuvent porter certains propos.
La discussion permet d’avancer, les opinions de nuancer les propos. Je ne prétends pas détenir la vérité — qui me semble d’ailleurs souvent source de violence. Je suis pour la liberté de penser, je suis pour la liberté de s’exprimer, mais je suis aussi pour le respect d’autrui et pour le développement de stratégies visant à apporter plus de compréhension entre les hommes. Je suis pour la remise en question, la blague intelligente, l’expression de pensées subversives. Je suis contre l’absence de questionnement et la blague qui meurtrit l’écorché.
Je pense que les problèmes de libre expression au sein de l’Université McGill relèvent d’un enjeu différent. Sur le sujet, l’article publié dans Le Délit du 7 octobre 2014 explique en détail la signification du classement soi-disant alarmant de McGill et de l’Association des Étudiants de McGill (AÉUM). Quant à la liberté de presse, la voici en pleine action.
Que cherchons-nous ? À avancer vers un « monde meilleur » ? De multiples moyens existent pour remettre en question la pensée unique, mais la corde est fine pour l’équilibriste qui joue avec les stéréotypes. Viser les intimidateurs et atteindre leur cible est le triste risque auquel s’exposent les propos équivoques. De grâce, usons de nos plumes et de nos crayons pour proposer des visions différentes, pour offrir des alternatives de pensées, pas pour railler gratuitement les homosexuels, les pauvres ou les handicapés…