Le samedi 14 février, la rue Sainte-Catherine est temporairement devenue piétonne pour laisser place à la Marche commémorative annuelle en hommage aux femmes disparues et assassinées. À l’appel du collectif Justice pour les femmes autochtones disparues et assassinées (Missing Justice, ndlr), les participants se sont rassemblés à 15 heures au square Cabot près de la station de métro Atwater. Sur place, de nombreuses voitures de police étaient stationnées. Les participants ont été accueillis au rythme de la musique traditionnelle des Premières Nations. Par la suite, plusieurs intervenants se sont succédés pour des discours avant de procéder à un moment de silence en hommage aux milliers de femmes disparues et assassinées. La marche a ensuite longé la rue Sainte-Catherine jusqu’à un mémorial où les noms des victimes étaient inscrits sur des étoiles de papier posées sur la neige.
Le lieu choisi pour débuter cette marche n’était pas anodin ; le square Cabot, avant de récents projets de rénovation, faisait office de résidence temporaire pour de nombreux sans-abris à Montréal, nombre d’entre eux des Premières Nations. La date, non plus, ne relève pas du hasard : la Saint-Valentin, c’est aussi pour beaucoup un jour pour être avec ou se souvenir de ceux que l’on aime.
La marche faisait écho à la marche de Vancouver, qui a eu lieu en même temps sur la côte Ouest. C’est à Vancouver qu’a eu lieu la première marche de commémoration en 1991, à la suite du meurtre d’une femme salish de la côte. Selon un rapport de la Gendarmerie royale du Canada, depuis les années 1980, 164 femmes autochtones ont disparu et 1017 ont été assassinées. Selon le même rapport, les femmes autochtones représentent 4,3% de la population canadienne, mais 16% des victimes d’homicides. Ce sont ces chiffres disproportionnés, ainsi que le manque d’attention qui leur est accordé par les médias, la police et le gouvernement, que les organisateurs de la marche veulent dénoncer.
L’une des membres de l’association Missing Justice, dont le mandat est l’élimination de la violence et de la discrimination envers les femmes autochtones au Québec, a déclaré que « les femmes et filles indigènes continuent de disparaitre et d’être tuées de manière disproportionnée, et il y a peu, voire pas, d’actions qui adressent la nature coloniale systémique de cette violence ». Viviane Michel, présidente de Femmes Autochtones du Québec, encourage à la prise de conscience. « Nous devons reconnaître que le problème des femmes autochtones disparues et assassinées est très complexe, il implique l’histoire de la colonisation, les lois d’assimilation qui ont toujours pris en cible les femmes aborigènes, et la violence continue à laquelle les femmes des Premières Nations font face dans leurs communautés et en dehors », a‑t-elle expliqué, avant d’ajouter : « Ce problème est la responsabilité de tous. »
Le premier ministre Stephen Harper, cependant, a rejeté l’été dernier la tenue d’une enquête nationale. « Nous ne devons pas y voir un phénomène sociologique », a‑t-il déclaré. Celui-ci a aussi avoué que le problème des femmes disparues et assassinées n’était pas pour lui la question la plus pressante lors d’une entrevue, affirmant « ce n’est pas très haut sur notre liste de priorités, pour être honnête ».