Les partis politiques s’affrontent depuis maintenant presque un mois et demi pour l’appui des Canadiens d’un océan à l’autre. On tente de courtiser l’Ouest, les Maritimes, l’Ontario et le Québec. La tâche est colossale, mais peut-être encore plus compliquée au Québec vu la situation politique unique de la province.
Du côté du Bloc Québécois, parti souverainiste, même depuis le retour de Gilles Duceppe à la barre du navire, le parti semble toujours couler vers le fond de l’océan. Qu’est-ce que le Bloc pourrait bien dire pour faire changer l’opinion publique des Québécois en leur faveur ? La réponse est simple : rien. Depuis que Gilles Duceppe et Pierre-Karl Péladeau se sont alliés en vue des élections fédérales, un vote pour le Bloc est devenu un vote pour la souveraineté. Cette alliance est non sans rappeler la campagne référendaire de 1995 où les deux partis s’étaient unis pour réaliser le projet de souveraineté. Cette fois-ci, les idées ne sont pas au rendez-vous au Bloc et Gilles Duceppe ne sert que du réchauffé sur la place publique. La fédération n’est pas en danger.
Chez les troupes de Stephen Harper, le but au Québec est simple : gagner certaines circonscriptions ciblées avec des promesses précises pour leur population. Mont-Royal, la région de Québec et certains comtés au centre du Québec sont la cible des Conservateurs. Une remontée du Bloc ferait sans doute grand plaisir à Stephen Harper, cela diviserait les votes entre le Bloc et le NPD et permettrait probablement à certains candidats conservateurs de se faufiler jusqu’à la victoire. Par contre, au Québec comme au Canada, les Conservateurs battent de l’aile suite au procès Duffy, à la récession tout juste annoncée et à la crise des réfugiés syriens.
Les néo-démocrates ont de quoi se réjouir des derniers sondages. Le NPD tourne autour de 45–47% des intentions de vote dans la Belle Province. Ce qui était une vague orange en 2011 pourrait s’avérer être un tsunami orange en 2015 (le NPD avait obtenu 43% des voix au Québec en 2011). Par contre, il faut espérer que chez le NPD le sommet de la campagne ne soit pas atteint trop rapidement. Comme a dit M. Mulcair : « On ne peut malheureusement pas mettre un sondage dans une boîte de scrutin ». La tâche de ce dernier, pour le reste de la campagne, sera de garder l’avance obtenue au Québec tout en courtisant le reste du Canada, mais surtout l’Ontario. En effet, plusieurs électeurs gardent un ressentiment fort envers le NPD depuis que l’ancien premier ministre de la province à la tête du NPDO, il y a de cela 25 ans, Bob Rae (maintenant membre du Parti Libéral) a failli mettre la province en faillite.
Pour le Parti libéral du Canada, l’Ontario est le pain et le beurre. Avec le nouveau découpage électoral, l’Ontario possède 121 des 338 circonscriptions disponibles au Canada. Dans les récents sondages, le Parti Libéral est à l’Ontario ce que le NPD est au Québec : une domination de plus de 40% dans les intentions de vote. La Première Ministre de la province, Kathleen Wynne, a donné son appui à Justin Trudeau et a ouvertement dit vouloir voir sortir les Conservateurs du pouvoir.
Le NPD et le PLC sont donc dans des situations délicates, chacun possèdant une forte avance dans une province clé tout en trainant un boulet dans l’autre. Le NPD traîne l’héritage de Bob Rae en Ontario et le PLC perd des votes au Québec avec leur loi sur la clarté qui refuserait un référendum de 50%+1.
Il sera intéressant de voir comment Justin Trudeau et Tom Mulcair jongleront avec ces deux provinces en plus du reste du Canada. Si le NPD tend à trop séduire l’Ontario, il pourrait perdre ses plumes et le même principe pourrait s’appliquer au PLC s’il tentait une trop grande percée dans la Belle Province.
Le Canada est un pays vaste et rempli de différentes réalités économiques, culturelles et sociales. Jongler avec les demandes de toutes les provinces et satisfaire la majorité d’entre elles relève d’un travail de chirurgien, pas de politicien !